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qu’elle vaut mieux que rien, elle est peut-être jusqu’ici la seule possible. Tout le midi n’était représenté que par onze animaux, dont trois venus de Limoges.

Après les bœufs, les moutons. Ceux-ci forment en effet le second capital de l’agriculture, et sur beaucoup de points leur importance égale ou dépasse celle du gros bétail. La supériorité des Anglais sur nous est ici plus marquée ; ils possèdent trois fois plus de moutons en proportion et d’une bien plus grande valeur moyenne. Il ne faut pas croire cependant que nous soyons tout à fait dépourvus. La répartition de la population ovine sur notre sol est beaucoup plus égale que celle de la race bovine ; chaque région possède à peu près son contingent numérique, mais il y a moutons et moutons, et ceux du nord l’emportent beaucoup sur ceux du centre et du midi. Cet utile animal se trouve à la fois au point de départ et au point culminant de l’agriculture. L’exposition contenait 600 béliers ou brebis, ce qui formait un assez beau troupeau, dont un quart environ en espèces étrangères. Comme pour les bœufs, les principaux types étaient seuls représentés. Il était venu de Prusse un bélier et cinq brebis de la célèbre race mérine de Saxe, qui produit une laine si estimée ; il était venu aussi des mérinos d’Angleterre, descendus pour la plupart du troupeau importé en 1806 par George III et lord Somerville, mais si les saxons ont paru à la hauteur de leur réputation, les autres étaient bien inférieurs à nos mérinos. Les Anglais ont largement pris leur revanche avec leurs races nationales ; ils avaient envoyé une quarantaine de dishleys, une vingtaine de south-downs et autant de costwolds. Jamais la puissance de l’homme sur la nature vivante n’a été plus visible que dans ces merveilleux animaux, pétris à volonté comme l’argile. J’ai dit ici par quels procédés l’illustre Bakewell avait fait de ses moutons ce qu’il avait voulu, et comment son exemple avait été suivi par ses compatriotes. Ceux qui en doutaient ont pu se convaincre par eux-mêmes de la vérité de mes assenions. Les dishleys de M. Creswell et de M. Kingdon, les south-downs de M. Jonas Webb et de M. Rigden, les costwolds de M. Beale Browne et de M. Ruck étaient véritablement incomparables. Il y avait un bélier costwold d’un an, un des plus beaux animaux que j’aie jamais vu ; entre le poids de ce bélier et celui d’une vache bretonne, la différence ne doit pas être bien sensible. Cette race de costwold est une des plus nouvellement perfectionnées, et elle promet de dépasser toutes les autres. Il devient impossible de prévoir où s’arrêtera chez nos voisins cette refonte systématique de l’espèce ovine.

Comme pour les bœufs durham et les vaches d’Ayr, nous possédons maintenant en France un assez grand nombre de sujets de ces races artificielles pour espérer de les naturaliser. M. Allier, directeur de Petit-Bourg, qui parait s’être donné la mission d’importer en