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un autre parviendra l’année prochaine jusqu’à Limoges, un troisième promet de traverser le Cantal et de joindre Clermont à Périgueux ; quelques autres embranchemens se préparent, on parle d’une ligne transversale de Limoges à Moulins, et de communications directes avec l’Océan, les Pyrénées et la Méditerranée : projets utiles, nécessaires, et que commande impérieusement le moindre sentiment de justice distributive, mais tardifs, d’une exécution difficile, et qui prendront probablement bien des années avant de s’accomplir, tandis que le nord est sillonné de chemins de fer, et qu’ils commencent à traverser le midi. Les autres voies de communication ne vont pas beaucoup plus vite, réduites pour la plupart aux pauvres ressources des départemens ; l’impôt central continue à épuiser le pays sans lui rien rendre.

C’est l’espèce bovine qui a sauvé cette région d’une ruine totale. N’ayant pas et ne pouvant pas avoir d’industrie, faute de moyens de transport, car tous les autres élémens d’un grand développement industriel s’y trouvent, la partie montagneuse a dû avoir recours à la seule production qui, se transportant d’elle-même, pût se passer de communications perfectionnées. On sait d’ailleurs que l’air et le sol des montagnes sont presque aussi avantageux à l’espèce bovine que les rives humides de l’Océan. Bien qu’infiniment moins nombreuse qu’elle ne pourrait l’être, la production du bétail est la première et presque la seule richesse de cette partie. Trois races principales s’y sont formées de longue main, toutes trois fort différentes de celles du nord et réunies par le programme dans une seule catégorie sous le nom commun de races de montagne, celle de l’Auvergne, dont le plus beau type est originaire de la petite ville de Salers, celle du Limousin, et celle de l’Aveyron.

Les trois départemens du Puy-de-Dôme, du Cantal et de la Haute-Loire nourrissent environ 500,000 têtes de bétail, presque toutes réparties sur les montagnes volcaniques qui les traversent dans tous les sens et dont les principaux pics s’élèvent a près de 2,000 mètres au-dessus du niveau de la mer. Les cimes des Alpes et des Pyrénées dépassent seules, en France, ces hauteurs. C’est la portion la plus riche en bétail : si le reste en avait autant en proportion, le centre n’aurait presque rien à envier à la Normandie. La race d’Auvergne est pour le moment une de nos plus précieuses. Ce n’est pourtant pas la spécialité qui la distingue : elle sert à la fois au travail, à la laiterie et à la boucherie ; mais c’est précisément cette absence de spécialité qui fait sa valeur, parce qu’elle répond à des besoins anciens et profonds. La Haute-Auvergne, produisant peu de céréales, emploie peu de bœufs de travail ; elle a aussi très peu de ressources pour l’engraissement, tandis que ses pâturages produisent naturellement