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Elle est blanche, de grande taille et d’une constitution vigoureuse. C’était d’abord une race de travail ; depuis quelque temps, de nouveaux débouchés s’étant ouverts par le perfectionnement des communications, elle a pris un essor remarquable pour la boucherie. Cette région n’envoyait pas autrefois de bétail gras à Paris ; aujourd’hui elle en fournit presque autant que la Normandie elle-même. Il en est résulté ce qui arrive en pareil cas, la race tend à se dédoubler. Une moitié reste affectée principalement au travail, l’autre ne travaille presque plus, et tend surtout vers les qualités de précocité et de rendement qui donnent le plus de viande. Sous ce rapport, la race charolaise avait des dispositions naturelles que l’art des éleveurs s’est attaché à perfectionner.

Au point où ils sont aujourd’hui parvenus, grâce à des soins intelligens et persévérans, les charolais élevés exclusivement pour la boucherie serrent de près les races anglaises. M. Louis Massé, du Cher, le plus ancien et le plus habile de ceux qui ont entrepris cette tâche, avait exposé un taureau et une vache de race pure, très semblables à des durham ; le taureau n’a pas été primé, je ne sais pourquoi, mais la vache a eu le premier prix des femelles. C’est M. le comte de Bouillé (Nièvre.) qui a eu le premier prix des mâles pour un taureau fort beau aussi, mais peut-être un peu moins parfait de formes. De tous les animaux de race française présens à l’exposition, ceux de M. Massé s’approchaient le plus du type idéal du bœuf de boucherie. Je ne veux pas dire par là qu’il n’y ait absolument aucun profit à croiser, quand on est dans des conditions convenables ; le beau durham-charolais exposé par M. de Béhague, et qui a eu le second prix des croisemens, prouverait au besoin le contraire ; mais je constate avec plaisir que ce n’est pas nécessaire, et que les charolais présentent par eux-mêmes de grandes ressources. En agriculture comme en tout, un résultat médiocre obtenu en grand vaut mieux qu’un résultat supérieur obtenu en petit. N’oublions pas que la race charolaise, qui alimente à la fois les deux plus grands marchés de France, Paris et Lyon, avec les populations intermédiaires, doit produire tous les ans environ 50,000 bœufs gras, ou le dixième de la France entière. Le département, de Saône-et-Loire, qui est le point de départ de la race, est un des plus riches de France, peut-être le plus riche, en gros bétail.

La race charolaise a d’ailleurs cet avantage, qu’étant connue, nombreuse, toute portée, elle tend plus sûrement à absorber les variétés locales qui lui sont, inférieures. Il y avait autrefois dans les montagnes du Morvan une petite espèce de bœuf de travail d’une énergie particulière, qui servait à des transports de bois par des chemins affreux ; cette race n’a pas encore tout à fait disparu, mais