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tout entière ; ils ne peuvent prospérer véritablement que dans des conditions qui, même en Angleterre, ne se rencontrent pas toujours. L’amour-propre local résiste, aussi bien chez nos voisins que chez nous. L’Écosse tient à ses bœufs noirs sans cornes comme au costume pittoresque de ses montagnards ; ils font partie de ses traditions et de son histoire ; leur disparition devant les durham serait pour elle comme une nouvelle conquête. Le nord du Devonshire n’a pas tout à fait les mêmes raisons patriotiques, mais cette jolie race est une des plus élégantes qui existent ; elle est parfaitement appropriée au sol et arrivée à un haut point de perfection. Les hereford persistent par d’autres causes ; ils s’élèvent dans une région déterminée, et vont s’engraisser ailleurs, comme il arrive à beaucoup de nos variétés françaises. Toutes trois sont des races de montagne, et, dans leur lutte contre le durham, elles ont un avantage que j’ai déjà signalé chez plusieurs des nôtres, la qualité de leur viande. Dans la plupart des fermes anglaises appartenant à des grands seigneurs, on engraisse des durham pour la vente, mais on a des angus ou des devon pour la table du maître.

Il est cependant une race anglaise qui parait reçue chez nous avec autant de faveur que les durham, je veux parler de la race laitière du comté d’Ayr en Écosse. 30 de ces animaux figuraient à l’exposition, presque tous nés en France ou appartenant à des Français, 3 provenaient du domaine impérial de Villeneuve-l’Étang, où leurs parens avaient été transportés après la destruction de l’Institut agronomique ; les autres avaient été présentés par trois amateurs principaux qui se sont partagé les prix, M. le marquis de Vogué, M. le marquis de Dampierre, et M. F. Bella, directeur de l’école d’agriculture de Grignon. Le prince Albert avait envoyé une vache. La race d’Ayr n’est connue en France que depuis cinq ans environ ; on voit qu’elle a fait en peu de temps de sensibles progrès. Elle continuera probablement à en faire, car elle a pour elle, outre ses qualités productives, le charme irrésistible de la grâce. Sa supériorité sur les nôtres pour la quantité et la qualité du lait est contestée ; je crois cependant que, somme toute, elle doit l’emporter. L’examen anatomique de ses organes a démontré en elle la meilleure machine organisée pour la production du lait. Si elle a paru quelquefois inférieure à nos cotentines ou à nos flamandes, c’est parce qu’elle est d’une plus petite taille ; elle convient mieux qu’elles à des pays d’une fertilité médiocre, comme ses montagnes natales ; il est vrai que, sous ce dernier rapport, elle rencontre une rivale redoutable dans notre petite race bretonne, mais elle offre plus de ressources pour la boucherie. L’expérience est en bonnes mains, d’ici à peu d’années nous saurons à quoi nous en tenir.

Ici finissent les races anglaises. Deux autres pays étrangers seulement