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détestée avec la France. Il se peut bien qu’Alexandre se soit irrité au présage de mouvemens révolutionnaires qu’on lui représentait comme suscités par Napoléon dans un pays si voisin de ses états et placé jusqu’alors sous son influence ; mais pouvait-il être entièrement de bonne loi lorsqu’il affirmait en février 1808 que le péril ne viendrait jamais de son côté ? Avait-il donc renoncé aux projets que lui avaient légués tous ses prédécesseurs, depuis Pierre le Grand (car Pierre avait lui-même essayé le premier cette conquête, et, en établissant sa capitale sur les bords de la Baltique, il avait évidemment désigné cette mer à la domination de la Russie) ? Alexandre avait certainement accueilli les espérances que Napoléon venait de lui suggérer ; eh bien ! que ne déclarait-il au roi de Suède, pour le forcer à traiter, les conventions de Tilsitt ? Peut-être eût-il ainsi vaincu l’entêtement de son beau-frère et lui eût-il épargné beaucoup de maux ; dans le cas contraire, il ne compromettait passa conquête. Dira-t-on que, forcé par Napoléon d’envahir la Finlande, il voulait seulement l’occuper pour forcer Gustave à se soumettre ? Mais aussitôt que ses armées ont franchi la frontière, le voilà qui déclare la Finlande réunie pour toujours à l’empire russe. Comment pouvait-il redouter, ainsi qu’il le dit, une invasion anglaise en Finlande au mois de février ? Il savait bien que la glace préserverait pendant tout l’hiver cette province d’un tel danger, il savait aussi que l’hiver la priverait des secours de la Suède, et c’est au milieu de cette mauvaise saison qu’il l’a attaquée ; il y a fait entrer ses troupes le 20 février 1808, sans déclaration de guerre ; apparemment ses préparatifs étaient faits d’avance, tout au moins depuis un ou deux mois. « La proposition qu’il fit à Gustave IV, dit le baron Ehrenheim,, ne fut qu’un prétexte pour dissimuler la trame ourdie contre nous. Dès la fin de 1807, un officier russe avait déjà parcouru la frontière, des troupes avaient été réunies, et des magasins établis et approvisionnés[1]. » L’auteur d’une histoire estimée de la Guerre de Finlande, Gust, Montgomery, assure qu’à la fin de décembre le manifeste russe invitant les Finlandais à la révolte était déjà imprimé, l’occupation et la réunion de la Finlande déjà résolues. Stedingk enfin, ministre de Suède à Saint-Pétersbourg, avait écrit dès le 7 décembre que l’attaque aurait lieu, comme il arriva en effet, sur trois points différens ; sa dépêche du 23 janvier donnait le plan de campagne. Et cependant le 2 février le ministre des affaires étrangères à Saint-Pétersbourg, le comte Romanzof, assurait encore au baron Stedingk que l’empereur n’avait

  1. Voyez l’examen critique du Précis de la Guerre de Finlande, du général Suchtelen, par le baron Ehienheim, dans le Medborg. Militar-Tidning de 1828, no 12. Voyez aussi l’introduction de l’ouvrage de G. Montgomery sur la Guerre de Finlande,2 vol. in-8o, 1842 (en suédois).