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et de Paris en septembre 1804. À la fin de la même année, Gustave conclut un traité secret avec l’Angleterre, qui lui promettait 80,000 livres sterling pour défendre Stralsund et la Poméranie, avec un secours de troupes hanovriennes. Un second traité, dont les dispositions n’ont jamais été bien connues, réunit la Suède à la Russie le 14 janvier 1806. L’alliance pouvait sembler purement défensive, mais un article secret stipulait la guerre immédiate contre la France ; 15,000 Risses, avec 25,000 Suédois et 10,000 Anglais ou Hanovriens, devaient faire une diversion en Allemagne, principalement afin de délivrer le Hanovre attaqué et d’opérer contre la Hollande. Un second article secret donnait le commandement de cette armée de diversion au roi de Suède, dont les troupes seraient soldées par l’Angleterre.

En même temps qu’il préparait ainsi le rétablissement des Bourbons, Gustave IV leur avait offert un asile dans ses états. Le comte de Lille (Louis XVIII), jusque-là errant, tantôt à Varsovie, tantôt sur les terres du roi de Prusse, accepta cette offre, et assigna Calmar aux princes de sa maison comme un lieu tranquille et sûr pour un rendez-vous. Lui-même arriva le 30 septembre 1804 de Riga à Calmar avec le duc d’Angoulême, pendant que le comte d’Artois arrivait d’Angleterre avec une suite nombreuse et choisie. On donna à Louis XVIII une garde particulière, et les autorités locales eurent ordre de traiter leur hôte comme le roi de France actuellement régnant. Gustave l’envoya complimenter par Fersen, mieux accueilli cette fois qu’il ne l’avait été à Rastadt. Les émigrés qui vinrent du continent complétèrent une petite cour ou se retrouvèrent et le cérémonial et les prétentions de l’ancienne cour de France : quand le duc d’Angoulême, au jeu du roi, donnait les cartes, il le faisait debout, et à la dernière s’inclinait profondément, comme aux Tuileries ou à Versailles. On sait d’ailleurs quels actes publics Louis XVIII signa de l’antique ville de Calmar pendant ce séjour de trois semaines ; le principal fut la déclaration, qui fut répandue dans l’Europe à quatre-vingt mille exemplaires, des principes destinés à devenir les bases de la restauration et de la charte de 1814.

À mesure que Gustave s’était engagé plus avant dans son hostilité contre la France, on avait vu paraître son inhabileté, ses incertitudes et l’obstination qui devait amener sa ruine. Admis par les puissances alliées dans chacune de leurs coalitions, il ne l’était pas dans leurs plans de campagne, et sentait son amour-propre blessé de cette défiance. Dans le moment même où il était en proie à ces perplexités, reprochant aux alliés leurs ménagemens envers l’ennemi commun et voulant marcher, lui seul, s’il le fallait, sur la frontière de France pour rétablir Louis XVIII, — Napoléon, vainqueur