Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/1346

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

principe de ses institutions politiques. C’est à Florence, on le sait, que se publiait en 1823 un journal remarquable, l’Antologia. Il n’a pas cessé d’y avoir dans ce pays un certain foyer d’études historiques et littéraires. Pendant longtemps, des esprits laborieux se sont réunis pour mettre au jour une collection de documens intéressans, sous le titre de Archivio storico italiano. L’éditeur de ces travaux, comme de l’Antologia, était M. Vieusseux, qui faisait de sa maison le lieu de réunion des savans italiens, une sorte d’académie libre et indépendante. Les révolutions dernières ont jeté naturellement quelque désordre dans ce groupe d’hommes rapprochés par la science. M. Vieusseux cependant s’est remis à l’œuvre et a commencé la publication d’une nouvelle série de son Archivio, où à côté de documens anciens se trouvent des appréciations des ouvrages les plus récens parus au-delà des Alpes ou intéressant l’Italie. C’est une entreprise scientifique et critique qui réunit de nouveau quelques-uns des hommes les plus distingués, les Capponi, les Centofanti, les Salvagnoli, et qui peut exercer une influence utile sur les esprits, en ranimant le goût des études sérieuses.

L’activité littéraire a nécessairement un autre caractère à Turin. Le Piémont doit à ses institutions politiques actuelles, au régime constitutionnel qui a survécu aux catastrophes de 1848, de pouvoir devenir plus aisément le centre d’une certaine vie intellectuelle. En outre, par la force des choses, après les réactions qui ont prévalu dans les autres états, il a été le refuge de tous les esprits dévoués aux idées libérales et distingués par leur culture littéraire. Récemment encore, M. Mamiani était naturalisé Piémontais, et on publiait de lui à Gènes des Essais de Philosophie civile. M. Tommaseo écrit dans des journaux de Turin. Le Piémont réunit ainsi des forces éparses, qui, sagement dirigées, peuvent contribuer à son ascendant intellectuel en Italie. La littérature piémontaise, même avec la liberté qui lui est donnée, ne produit point sans doute encore bien des œuvres saillantes. Ce qui lui manque aujourd’hui, il faut le dire, c’est moins la latitude qu’une force intime et féconde. Il y a cependant parfois dans la poésie, dans le roman, des travaux où se révèlent l’inspiration et le talent. M. Prati est en ce moment le poète du Piémont. Originaire de Trente, M. Prati se naturalisait en quelque sorte Piémontais en se faisant le chantre de Charles-Albert. Ses poésies nombreuses ont la grâce et la facilité plutôt que l’énergie. Un autre jeune écrivain, M. Vittorio Bersezio, marquait récemment sa place dans le roman par un livre qui a paru sous le titre : il Novelliere comtemporaneo. L’auteur se propose, comme il le dit dans quelques pages spirituelles qui précèdent son livre, de raconter ses contemporains à eux-mêmes, d’analyser les passions et les sentimens humains, en les mettant en action dans une série de nouvelles qui forment comme un décaméron de la société actuelle. Il commence cette fois par ce thème éternel de l’inspiration romanesque, l’amour, — l’amour observé dans les mœurs de notre temps. Cette première tentative, où se fait sentir encore l’influence du roman français, dénote pourtant un vif et ingénieux talent. Enfin le Piémont compte aujourd’hui des journaux et des revues qui sont l’expression permanente de la pensée dans un pays où tout se dit et où tout s’imprime. L’un des plus remarquables recueils qui voient le jour à Turin est la Rivista contempora-