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arrêtés plus de vingt minutes auprès du merveilleux appareil de M. Léon Foucault. La terre (pour me servir d’une assez méchante plaisanterie polytechnique) a eu l’honneur de tourner devant leurs majestés ; mais un autre instrument du même physicien pour la rotation des corps, le gyroscope, n’a pas moins attiré l’intelligente attention des illustres visiteurs. Un lourd anneau tournant, mis en mouvement circulaire, s’est montré presque doué de volonté ; il s’est dirigé comme l’aiguille aimantée, il a résisté aux caprices des mains qui le tenaient ; enfin il a semblé voler circulairement autour du fil qui le portait, exactement comme si la pesanteur eût perdu tout empire sur lui. — Incroyable ! ce mot sortait en français et en anglais de toutes les bouches.

Au moment de l’exposition universelle de l’industrie du genre humain, ce ne serait guère être de son temps que de ne pas considérer au point de vue industriel la question de la constitution intérieure du globe terrestre ; mais on me demandera quel rapport il y a entre cette constitution et une opération industrielle quelconque, et si je veux mettre en exploitation le feu central de la terre ? A cela je réponds sans hésiter : oui, et je déclare que l’entreprise n’offre aucune difficulté insurmontable. Passons à la preuve.

Chacun sait qu’on fait tout avec de la chaleur. On substitue le travail de quelques centimes de charbon au travail de l’homme pendant toute une journée. Avec le feu, on pare aux inconvéniens des climats, on modifie les substances alimentaires, on active la croissance des plantes, et on rend possibles des cultures que refuserait le climat ; enfin on compose et on décompose tous les corps. Prométhée, en donnant le feu à l’homme, lui donna l’empire du monde et la multiplication indéfinie de sa race. Eh bien ! il faut aller prendre au sein de la terre cet élément précieux, qui s’y trouve en si grande abondance. La terre a ses mines d’or, d’argent, de cuivre, de fer, de sel, de charbon, mais elle est tout entière pour ainsi dire elle-même une vaste mine de chaleur.

Il ne s’agit point ici de percer le fameux puits de Maupertuis, qui, suivant Voltaire, voulait traverser la terre de part en part pour que nous pussions voir nos antipodes en nous penchant sur le bord de ce puits profond d’environ six mille quatre cents kilomètres. Il ne s’agit aujourd’hui que de s’enfoncer sous terre de quatre kilomètres au plus. Déjà à trois mille mètres on aurait la température de l’eau bouillante. Une capacité souterraine à cette profondeur serait donc un véritable magasin de chaleur qu’on pourrait regarder comme inépuisable.

Rappelons, avant de finir, que c’est ainsi qu’agit la nature dans la production des eaux thermales : elle précipite des sources froides dans de profondes cavités dont le fond est par suite à une haute température, et dès lors l’eau, qui tombe froide dans ces cavités souterraines, en fait déborder l’eau chaude qui les remplissait d’abord. Or des eaux venant de quatre mille mètres de profondeur seront plus que bouillantes et propres à mille usages