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peu moins vite que les continens qui en constituent la surface. Cette théorie est d’accord avec l’idée des rechutes successives de l’enveloppe extérieure vers le centre, lesquelles ont dû donner aux masses rapprochées du centre un surcroît de vitesse de rotation. Le calcul appliqué à cette hypothèse montre que vers les latitudes moyennes il doit se produire un renflement additif à la figure que prendrait une masse fluide tournant tout d’une pièce. Le fait du renflement semble mis hors de doute par les mesures géodésiques. Ainsi, tandis qu’en général la terre est une sphère aplatie d’un trois-centième, l’Europe et les latitudes moyennes semblent appartenir à une sphère d’un aplatissement presque double, et que le docteur Young évalue à un cent-cinquantième. Les mesures des parallèles conduisent à des conclusions analogues; toutes donnent, à moitié distance entre l’équateur et le pôle, la ceinture de la terre plus grande qu’il ne convient à sa forme générale. Notre XIXe siècle laissera encore sans doute bien des choses à trouver là-dessus au XXe, qui nous arrive à grands pas.

Si l’hypothèse hardie que je viens d’indiquer est réellement la cause efficace de ce qu’on observe, on voit que les continens, tournant plus vite vers l’orient que le noyau central qu’ils devancent, feront de la terre une véritable machine électrique qui aura ses courans de l’est à l’ouest, et qui, par suite, dirigera l’aiguille aimantée du nord au sud avec toutes les irrégularités que comportent naturellement l’inégalité des épaisseurs de la croûte terrestre, les accidens de température et le déplacement intérieur de la lave et du fluide central. La seule conclusion générale que l’on puisse tirer de cette idée théorique, c’est que nos continens, marchant plus vite que le noyau central, laisseront quelque peu en retard les lignes magnétiques dont le globe est couvert, et que par suite tout le système de ces lignes semblera marcher vers l’occident. C’est aussi très expressément ce qui a lieu et qui jusqu’ici n’a point été expliqué. Pour éclaircir ce fait, il faut savoir qu’à Paris, en 1666, année de la fondation de l’Académie des Sciences, l’aiguille aimantée pointait juste au nord, et qu’ainsi elle indiquait exactement le sens du méridien. Il n’en fut pas de même les années suivantes. L’aiguille aimantée faussa sa direction polaire, et quelques années plus tard ce fut Londres, à l’occident de Paris, qui jouit du privilège de voir la boussole indiquer le vrai nord. Plus tard, ce fut l’Irlande, et de nos jours il faut franchir l’Atlantique et même pénétrer assez avant dans les États Unis pour trouver l’aiguille nord et sud comme elle était à Paris en 1666. Je crois me souvenir que c’est en quatorze cents ou quinze cents ans que les lignes magnétiques font le tour du globe, ce qui indiquerait que les continens feraient une révolution de plus que le noyau central en quinze cents ans environ. Ce serait un tour de plus au bout de cinquante mille tours, ce qui n’a rien d’improbable. Ce résultat est-il d’accord avec le suraplatissement de la terre en Europe? C’est ce qu’il faudra calculer.

Avant d’aller plus loin dans le champ de ces conjectures, remarquons