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de la physique moderne, a calculé que la chaleur qui peut traverser l’écorce du globe, même eu la supposant aussi perméable que les métaux, ne ferait pas, à beaucoup près, un millième de degré de notre thermomètre, et qu’ainsi, météorologiquement parlant, l’effet en est complètement nul.

Voici quelque chose de moins sérieux pour ceux qui voudront bien comprendre comment il est possible qu’une très petite couche de substance interposée arrête le progrès de la chaleur. L’historien Mézeray, homme grave et penseur, quoique assez excentrique dans ses manières, voit un jour entrer dans son cabinet une toute petite fille qui vient lui demander du feu. Il n’y avait peut-être pas à cette époque une seule maison, un seul ménage en France où il n’y eût un vieux sabot cassé destiné à aller chercher du feu chez les voisins en cas d’extinction de celui qu’on couvrait de cendre tous les soirs. « Volontiers, ma petite, mais tu n’as pas de sabot ? — Oh ! monsieur, si vous voulez le permettre, j’en prendrai bien tout de même. — Fais. — Alors l’enfant, s’accroupissant près du foyer, couvrit sa petite main gauche de cendre, et de la droite elle chargea cette cendre de charbons allumés qu’elle emporta en remerciant et sans aucune crainte de brûlure. — Tout philosophe que je suis, dit tout haut l’atrabilaire collaborateur du Dictionnaire de l’Académie, je ne me serais jamais avisé d’un tel expédient ! »

Comme la cendre et le sable, on trouve que le charbon pilé, le duvet de cygne, celui de l’édredon, et plusieurs espèces de fourrures, sont presque imperméables à la chaleur. Les moules de sable, où l’on fond et coule les boulets et les bombes, sont froids à une petite distance du fer fondu, et les pauvres ramoneurs de la Savoie et de l’Auvergne trouvent dans un sac de suie l’équivalent du somptueux édredon enfermé dans la soie qui recouvre les lits de l’opulence.

Une dame qui avait suivi avec attention les considérations que je développe ici me fit cette observation : « Je suis enchantée de savoir qu’il passe si peu de chaleur au travers de l’écorce terrestre, et que par conséquent il faille tant d’années au globe pour se refroidir ! — Et pourquoi donc, puisque la chaleur que nous recevons de l’intérieur de notre planète ne peut influer en rien sur les saisons et sur les productions de la nature ? — Le voici : c’est que la terre mettant très longtemps à se refroidir, le noyau fondu et élastique qui porte nos continens sera extrêmement longtemps à perdre sa force par le refroidissement, et qu’il sera encore pendant bien des millions de siècles capable de porter nos continens actuels. Cela me rassure pour l’avenir. — Parfaitement raisonné, madame, et je ferai part de votre observation au public. »

À l’époque qui a précédé la nôtre, y avait-il plus ou moins de terrain à découvert ? En un mot, les mers occupaient-elles plus ou moins d’espace qu’elles n’en occupent maintenant ? Je crois qu’on peut présumer que des saillies du sol étaient moins prononcées quand l’épaisseur des continens était moindre, et que les primitives rechutes de la surface du globe, s’opérant