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et que les nations semblent convoquées à Constantinople comme à de grandes funérailles. Et lui-même, ayant une foi positive et définie dans les prophéties, il paraît prendre à l’Orient une part de son fatalisme. C’est ainsi qu’il dit : « La lutte engagée aujourd’hui dans la Crimée n’est que le premier acte d’une tragédie plus solennelle qu’aucune qu’on ait jamais vue dans la chrétienté. Soyez attentifs, et regardez si cela n’arrivera pas comme je vous le dis. Les probabilités sont que la Russie sera refoulée pour un temps; mais ma conviction, et cela ne touche en rien à nos devoirs, est que, pendant que la Grande-Bretagne sera épargnée et soustraite à la dévastation, la Russie marchera par-dessus toute l’Europe, balaiera tout devant elle, et ira finir sa carrière où la prophétie a prédit qu’elle la finirait : dans les plaines de la Palestine, et dans la grande lutte qui doit ramener le Juif dans sa patrie et Israël dans ses foyers. »

Puisque nous en sommes aux prophéties, mentionnons aussi les prédictions. L’auteur en cite une assez curieuse, qui, dit-il, est empruntée à un vieux livre qui se trouve dans la bibliothèque augustinienne à Rome, et qui porte la date de 1673[1].

« Avant le milieu du XIXe siècle, il y aura des séditions de toutes parts en Europe. Il s’élèvera des républiques; il y aura des rois, des grands et des prêtres mis à mort, et les religieux abandonneront leurs couvens. Des famines, des pestes et des tremblemens de terre dévasteront les villes en grand nombre. Rome perdra le sceptre par la persécution des faux philosophes. Le pape deviendra le captif de ses sujets, l’église de Dieu sera soumise au tribut et dépouillée de ses biens temporels. Après un peu de temps, il n’y aura plus de pape. Un prince de l’aquilon (ou du nord) parcourra l’Europe avec une grande armée, il renversera les républiques et exterminera tous les rebelles. Son épée, tenue par Dieu, défendra vigoureusement l’église du Christ, exaltera la foi orthodoxe, et soumettra l’empire de Mahomet. Un nouveau pasteur, celui de la fin, appelé du rivage par un signe céleste, viendra dans la simplicité du cœur et la science du Christ, et la paix sera rendue au monde. »

Nous avons reproduit ce singulier passage à titre de curiosité, et nous retournons aux prophéties de l’Écriture. C’est surtout dans Ézéchiel que le

  1. Voici le texte latin : « De Fluctibus misticœ navis, auctore Ridolpho Gelthier; Augustæ, 1675. — Ante medium sæculi XIX, seditiones undique in Europa. Erigentur respublicæ, occidentur reges, optimates, ecclesiastici, et regulares sua cœnobia deserent. Fames, pestilentia et terræmotus plures devastabunt civitates. Roma amittet sceptrum propter obsessiones pseudophilosophorum. Papa a suis captivabitur, et sub tributo ponetur ecclesia Dei quæ bonis temporalibus exspoliabitur. Post breve tempus papa non erit Princeps aquilonarius cum ingenti exercitu percuriet Europam, respublicas evertet, rebellesque omnes exterminabit. Ejus gladius motus a Deo ecclesiam Christi acriter defendet, fidem ortbodoxam propugnabit, et imperium mahometanum sibi subjiciet. Novus pastor finalis e littore per signum cœleste veniet in cordis simplicitate et doctrina Christi, et pax erit reddita sæculo. »