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des prix. En ce moment, l’or est aspiré par les canaux avides du commerce et de l’industrie de manière à s’y absorber promptement, comme nous le voyons depuis trois années ; il s’ajoute à l’épargne annuelle pour commanditer des entreprises nouvelles ; il sème la richesse et le bien-être dans toutes les branches de l’activité humaine, et lorsqu’il peuple et enrichit avec une rapidité magique la Californie, l’Australie et les déserts de l’Oural, il ne peut être une cause de ruine pour les nations des deux mondes qui ont construit des flottes entières afin d’aller le chercher en échange des produits de leur industrie.

Admettons cependant l’hypothèse d’une dépréciation rapide de l’or, et voyons s’il est possible de le remplacer par une monnaie d’une valeur assez fixe pour rassurer les intérêts inquiétés.


II

La valeur de la monnaie est essentiellement mobile et variable ; pour le démontrer, nous serons obligé d’entrer dans quelques détails techniques, mais nous les abrégerons afin d’arriver vite au cœur de la question, l’exclusion (légale) de la monnaie d’or elle maintien de la seule monnaie d’argent.

L’or et l’argent, même chez les peuples de civilisation rudimentaire, servent d’intermédiaires aux échanges, parce qu’ils sont doués de certaines propriétés particulières. Ils sont les mêmes dans tous les pays, ils sont divisibles à l’infini sans rien perdre de leur valeur, ils se transportent facilement, et les maniemens répétés auxquels toute monnaie est sujette ne les altèrent que d’une manière insensible. Toutes ces qualités ne sont cependant qu’accessoires ; la qualité fondamentale de ces métaux, c’est d’être des marchandises ayant une valeur propre à cause de leurs divers usages, et d’être ainsi un équivalent réel et substantiel des objets contre lesquels on les échange.

Dire que l’or et l’argent sont des marchandises, c’est affirmer implicitement qu’ils sont régis par le va-et-vient de l’offre et de la demande, qu’ils sont sujets à la hausse et à la baisse. En devenant monnaie, c’est-à-dire en recevant des empreintes et des dénominations fixées par la loi, l’or et l’argent n’échappent pas à la hausse et à la baisse, parce qu’ils ne perdent pas leur caractère essentiel d’objets commerçables et régis par le cours du marché.

L’or et l’argent employés comme monnaie ne sauraient donc être, dans le sens rigoureux du mot, une mesure de la valeur des objets qui se vendent et s’achètent. Le gramme et le mètre sont des mesures de poids et d’étendue, parce qu’ils expriment des quantités immuables. Un mètre est en tout temps et en tout lieu l’expression