Mais la rose, qui aime-t-elle ? Je voudrais bien le savoir. Est-ce le rossignol qui chante ? est-ce l’astre silencieux du soir ?
Je ne sais pas de qui la rose est amoureuse, mais moi je vous aime tous, rose, papillon, rayon de soleil, étoile du soir et rossignol !
Tous les arbres retentissent, tous les nids chantent ; quel est le maître de chapelle du vert orchestre des bois ?
Est-ce le vanneau au gris plumage qui sur sa branche cligne les yeux d’un air important ? est-ce le pédant qui se balance avec satisfaction en glapissant son éternel coucou ?
Est-ce la cigogne, ce grave animal, qui fait cliqueter sa longue patte, comme si elle dirigeait toute la bande des musiciens ?
Non, c’est dans mon cœur qu’il siège, le maître de chapelle de la forêt ; je sens comme il y bat la mesure, et je crois qu’il s’appelle Amour.
« Au commencement était le rossignol, et il chanta le verbe : Tsukut ! tsukut ! Et pendant qu’il chantait, partout s’épanouissaient et le gazon, et la violette, et la marguerite.
« Il se donna un coup de bec dans la poitrine, le sang rouge coula, et du sang sortit un beau rosier : c’est à ce rosier qu’il chante son amour.
« Nous autres, oiseaux de cette forêt, le sang qui jaillit de la blessure du chantre de la rose nous a tous rachetés et réconciliés ; mais lorsqu’un jour le rossignol rédempteur cessera de chanter son amour à la rose, c’en sera fait de nous et de la forêt entière. »
Ainsi parle à son moinilleau le vieux moineau niché sur un chêne. La femelle du moineau jette çà et là ses pieu pieu à travers le récit ; elle est là, bien installée à la place d’honneur.
C’est une bonne femme, une parfaite ménagère ; elle couve bravement ses œufs et ne boude jamais. Le vieux, pour utiliser ses loisirs, distribue l’instruction religieuse aux enfans.
La chaude nuit de printemps a fait épanouir toutes les fleurs, et si mon cœur n’y prend garde, il va redevenir amoureux.
Mais laquelle de toutes ces fleurs méprendra dans ses filets ? Les rossignols en leurs chansons me conseillent de me défier des violettes, si timides, si modestes.
Le mal presse, les cloches sonnent ; hélas ! j’ai perdu la tête. Le printemps et deux beaux yeux ont conspiré de nouveau contre mon cœur.