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NOUVEAU PRINTEMPS




Neuer Frühling (Nouveau Printemps), c’est le titre d’un ensemble de Lieder qui doit tenir une place à part dans les poésies de l’auteur d’Atta-Troll. Les traducteurs, les amis de M. Henri Heine craignaient de toucher à ces fleurs délicates. Comment transformer, sans les flétrir, ces tissus d’une trame si légère ? Comment faire passer dans notre prose ces bizarres poèmes qui doivent surtout leur charme à un merveilleux mélange de la simplicité la plus naïve et de la science consommée du rhythme ? C’est la tradition du Lied des Minnesinger et du Lied populaire qui revit dans ces vers de M. Heine, unie à des pensées toutes modernes. Ce charme d’une simplicité exquise, ces inspirations empruntées à des âges différens et ramenées sans effort à l’unité, en un mot toutes ces élégances de la pensée et du style laisseront-elles quelque trace dans le travail de l’interprète ? Nous n’aurions osé confier à une traduction ces fragiles trésors de rhythme et de langage, si M. Heine, avec un sentiment très vif des finesses de notre idiome, n’avait composé lui-même une version qu’il a bien voulu combiner avec la nôtre. Ce n’est pas seulement une traduction : en reproduisant son œuvre sous une forme nouvelle, l’auteur l’a souvent refaite et corrigée, et l’Allemagne y trouvera des traits inattendus.

Quel est le sujet de ce petit poème, légèrement esquissé dans une série de Lieder ? Un sujet bien simple, mais bien riche : le réveil de l’amour dans une âme qui se croyait vouée à la négation et à une perpétuelle ironie. Voyez-y, si vous le voulez, un symbole de M. Henri Heine lui-même et comme la poétique image des transformations que peut encore traverser son esprit. À les prendre au sens propre, ces gracieux vers nous peignent surtout le cœur régénéré de l’amant. Le poète allait partir pour la grande bataille de la liberté, mais soudain un amour jeune et frais le ramène aux printanières forêts du romantisme, comme ce chevalier de l’ancien temps que des génies lutins enchaînent avec des fleurs. Oui, ce ne sont que fleurs sous ses pas ; il aime encore, lui qui se croyait guéri de l’illusion par tant de douleurs amères, il