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amis de Bernadotte de se presser et de faire un énergique appel à l’opinion publique. Ainsi firent-ils, et nous arrivons aux grands moyens qu’on imagina pour mener à bien l’entreprise.

Le jour même où le comité de la diète votait pour le duc d’Augustenbourg, arrive chez le comte d’Engeström, venant de France, un certain M. Fournier, ancien vice-consul à Gothenbourg; il remet au premier ministre une lettre d’introduction signée du consul-général de Suède à Paris. N’ayant aucun caractère officiel, il obtient l’autorisation de résider dans la ville d’OErebro, interdite pendant la réunion de la diète aux agens diplomatiques. Ce même envoyé, chargé de faire savoir aux députés que Bernadotte acceptera leurs votes avec reconnaissance, remet au général Wrede les portraits du prince, de la princesse de Ponte-Corvo et de leurs fils, pour qu’il les fasse présenter au roi. Une lettre rédigée par Signeul arrive en même temps, elle atteste que l’élection, désirée secrètement par l’empereur sans qu’il puisse ni veuille s’en exprimer tout haut, entraînera pour la Suède de nombreux avantages, comme le paiement de la dette publique, grâce à un don considérable prélevé sur la fortune particulière du prince. La même lettre insinue que les relations commerciales avec l’Angleterre ne seront pas rompues par cette élection. Le général Wrede et Mörner se mettent aussitôt à l’œuvre. La lettre de Signeul est communiquée au premier ministre avec les portraits; pendant la nuit du 11 au 12, on fait tirer de nombreuses copies de cette lettre, qui est aussitôt distribuée dans les rangs de la diète, dans les villes et les campagnes. On fait circuler parmi les députés de l’ordre des paysans une petite peinture représentant le jeune prince Oscar (aujourd’hui roi de Suède) jouant avec l’épée de son père, et l’on explique aux députés attendris que, suivant cet emblème, au règne d’un hardi guerrier succédera une heureuse paix; nuages, chansons, poésies, dialogues populaires, sont improvisés pour faire une active propagande. Dans un de ces petits poèmes, chaque ordre de la diète vient exprimer son enthousiasme et ses espérances, puis tous les quatre chantent en chœur : « Proclamons Bernadotte. Comme le fer vers l’aimant, nous sommes attirés vers lui. La Suède respirera à l’ombre de son glaive comme la terre aride sous la tiède pluie de l’été. Viens, courageux héros, viens, ami des hommes... tu seras l’âme toujours vivante qui relèvera le corps de la Suède. Nous t’avons choisi pour le prince du Nord. » Une autre de ces petites pièces, écrite en prose, et qui fut, comme la précédente, distribuée à grand nombre autour de Stockholm, ne laisse pas que de jeter une vive lumière sur la manière dont fut préparée l’élection. Elle est intitulée : Dialogue entre deux patriotes :