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l’appui d’une volonté ferme qui réduise les séditieux au silence. Cette volonté, dont ils implorent le secours, est celle de sa majesté l’empereur. Quand même le public ne s’en expliquerait pas aussi ouvertement qu’il le fait, j’en aurais la preuve la moins équivoque dans une démarche qui vient d’être faite auprès de moi. Le roi m’envoya hier (21 juin) son premier aide-de-camp, M. de Suremain, à l’insu des ministres, pour me faire savoir que je pourrais m’adresser à lui toutes les fois que je le jugerais convenable; mais ce n’était pas là le principal objet de la visite de M. de Suremain. Il venait surtout nie confirmer la résolution de recevoir avec reconnaissance le prince, quel qu’il soit, que notre souverain lui présentera. — Notre plus grand malheur, dit-il, serait d’être en ce moment abandonnés par l’empereur. Qu’il donne la couronne à un de ses rois, et la Suède se croira sauvée; qu’il écrive au roi : « Votre constitution ne vaut rien, » et ce seul mot suffira au roi pour la modifier sans que la diète ose s’y opposer[1] . »

A vrai dire cependant, la lettre de Charles XIII ne laissait pas à Napoléon le choix du candidat; elle lui demandait seulement d’approuver une résolution déjà prise. L’empereur répondit en termes vagues et généraux qu’il désirait ne pas intervenir dans une telle élection, que le choix fait par le roi de Suède et la diète mériterait certainement et obtiendrait son approbation. Mais quelles étaient ses dispositions véritables? Sous la réserve de ces paroles, les Suédois crurent s’apercevoir qu’il désirait l’élection du roi de Danemark, Frédéric VI. Un article inséré dans le Journal de l’Empire du 17 juin semblait ne présenter comme candidats sérieux que ce prince et le duc d’Oldenbourg, et il était facile de voir, malgré une apparente impartialité, que la balance ne penchait pas vers celui-ci. Aussitôt que cet article fut connu à Saint-Pétersbourg, le duc de Vicence, notre ambassadeur en Russie, dit au ministre de Suède, Stedingk : « Remarquez le projet d’union avec le Danemark; il mérite toute votre attention. Réfléchissez combien votre situation est précaire, et que vous avez tout à craindre de la Russie, non pas du vivant de l’empereur Alexandre, mais sous ses successeurs. La réunion des trois couronnes vous ferait respecter et vous garantirait contre les envahissemens de vos voisins. Songez d’ailleurs qu’une occasion comme celle-ci de vous fortifier sans courir aucun risque ne se représentera sans doute jamais, si vous la négligez. » L’ambassadeur termina en faisant entendre à Stedingk que l’article n’avait pas été publié sans intention, et que le cabinet des Tuileries appuierait le projet, si le roi de Suède voulait s’y prêter. Quant au duc d’Oldenbourg (on se rappelle que c’était le prétendant russe), Stedingk put comprendre au langage du

  1. Archives des affaires étrangères, à Paris, volume 294.