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elle. Cette haine contribua certainement à l’élection de Bernadette, qui amena de si singulières vicissitudes dans l’histoire des relations politiques que nous avons entrepris d’étudier.


II.

La mort du prince royal Charles-Auguste avait fait retomber la Suède dans un abîme d’incertitudes. Charles XIII était sans héritier; son extrême affaiblissement d’esprit et de corps livrait aux efforts des ambitieux le gouvernement et la succession royale : il fallait se hâter d’élire de nouveau un prince héréditaire. Les hommes de 1809, Adlersparre en tête, proposaient au vieux roi de remplacer immédiatement le prince d’Augustenbourg par le duc son frère, qu’on disait modeste comme lui. Charles XIII adopta volontiers cet avis. Toutefois il était douteux que le duc lui-même y consentît, car son souverain, le roi de Danemark, Frédéric VI, élevait de son côté des prétentions, et se présentait à Charles XIII et à la diète comme candidat à la triple couronne du Nord Scandinave. Il y avait aussi des prétendans russes, le duc de Mecklenbourg-Schwerin et le duc d’Oldenbourg, parent du tsar, dont les partisans promettaient pour prix d’une élection la restitution de la Finlande; mais ce parti fut toujours peu nombreux et n’osa agir qu’en secret, tant il rencontrait peu de sympathies dans la nation, et tant l’appât paraissait trompeur et grossier.

Le grand point aux yeux des Suédois, c’était de rencontrer un candidat qui eût l’assentiment de Napoléon, et bien que l’empereur des Français eût absolument refusé, lors de la première élection, d’y intervenir par une manifestation quelconque, on eut encore cette fois recours à lui. Quatre jours après la mort du prince Charles-Auguste, Charles XIII lui écrivit : « Mon fils est mort. Je me vois obligé d’assembler vers la mi-juillet les états pour régler la succession au trône. Il me serait d’une grande importance d’avoir reçu la réponse de votre majesté avant cette époque. Il faudrait un prince déjà majeur, ayant une postérité. Si, comme j’aime à le croire, une union intime entre la Suède et le Danemark s’accorde avec les grandes vues politiques de votre majesté, ne pourrait-on pas atteindre ce but de la manière la plus conforme à la position géographique et à l’esprit national des deux peuples, si le duc d’Augustenbourg, beaufrère du roi de Danemark et ayant déjà deux fils, dont l’aîné a douze ans, était élu?... » M. Désaugiers, notre chargé d’affaires à Stockholm, écrivait en même temps : « L’attentat du 20 juin a fait sentir plus que jamais au gouvernement suédois la nécessité de rechercher