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et Erfurt, issus des fautes de Gustave IV, commençaient à peser sur lui comme ils pesaient sur les Suédois. « Votre révolution vient trop tard, répondit Napoléon aux envoyés suédois, j’ai échangé la Suède contre l’Espagne. Tournez-vous vers l’empereur Alexandre, il est grand et généreux. » Et il refusa de traiter avec eux avant que leur paix n’eût été conclue avec la Russie. Une fois cette condition remplie, il devait leur restituer la Poméranie et l’île de Rugen.

Après avoir recherché avec tant d’empressement l’alliance de la France, les Suédois se tournèrent vers elle avec la même confiance dans leurs négociations particulières pour l’élection d’un successeur au trône. Espérant ménager à l’avance une réunion de la Norvège à la Suède pour se dédommager de la perte de la Finlande, Charles XIII, sur l’avis de la diète, avait adopté pour fils et prince royal héréditaire Charles-Auguste, prince d’Augustenbourg, gouverneur et comme vice-roi de la Norvège; mais l’adoption n’avait été faite qu’après qu’on eut consulté Napoléon. Il avait été question d’élire, dans l’intention de lui plaire, soit le prince Eugène, soit Berthier. On avait tenté ensuite d’obtenir pour le prince royal la main d’une princesse de la famille impériale, par exemple celle de la princesse Charlotte, fille de Lucien Bonaparte. Napoléon avait fermé l’oreille à toutes les propositions et à toutes les insinuations pour ne pas rompre ses engagemens de 1807. S’il avait tort, au moins était-ce à ses risques et périls, et en restant fidèle à sa parole.

On voit quelles étaient les dispositions de la Suède envers la France. Veut-on savoir ce qu’elle avait à attendre de la Russie? Bien que la révolution de 1809 eût été faite pour répondre aux vœux des cabinets de Paris et de Saint-Pétersbourg, l’armée russe n’en continuait pas moins les hostilités. C’est qu’Alexandre, en dépit de son prétendu désintéressement et loin de dédaigner la conquête de la Finlande, entendait tirer d’Erfurt et de Tilsitt tout le profit possible et exploiter jusqu’aux derniers avantages de cette bonne aubaine. Il ne s’agissait plus pour lui seulement de la Finlande à conserver; il exigeait encore les Aland et même une partie du territoire primitivement suédois, c’est-à-dire le pays entre les rivières de Kalix et de Kemi, celle-ci à l’est et la première à l’ouest de Tornéo. Le cabinet de Stockholm reçut avis de ces conditions avec désespoir; il représenta que la Finlande, occupée par les ennemis comme un moyen de forcer la Suède à se joindre au système continental, devait être rendue au moment où celle-ci cessait toute résistance, que les Aland n’avaient jamais été finlandaises et que ces îles étaient l’avant-poste de leur capitale, comme le territoire entre le Kalix et le Kemi était le seul boulevard au nord contre une surprise. Le Kemi, distant du Kalix d’environ quinze lieues de France, avait toujours