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dernières années de Bartolini furent assez calmes et son talent plus généralement apprécié que dans le cours des années précédentes. L’accueil qu’il reçut en 1847 à Rome, où il était allé faire le portrait du pape, le vengea des attaques que de cette ville même on avait autrefois dirigées contre lui. Les artistes s’empressèrent autour de celui qu’ils n’hésitaient plus à proclamer leur chef, et lorsqu’il fut de retour à Florence, le gouvernement pontifical lui envoya, avec le brevet de l’ordre de Saint-Grégoire, une lettre dans laquelle le maître est mis au nombre des hommes qui honorent le plus l’Italie. En France, on n’avait pas marchandé si longtemps à Bartolini la justice, et les hautes distinctions qui de notre pays surtout vont chercher et récompenser les talens étrangers lui étaient venues précisément à l’époque où ses tentatives de réforme rencontraient en Italie le plus d’opposition ou de dédain[1].

La fin de Bartolini fut douce : il mourut le 20 janvier 1850, au milieu de sa famille, de ses élèves et de ses amis. L’un de ceux-ci a recueilli dans une sorte de procès-verbal respectueux et ému les détails de la scène funèbre. Nous extrayons de son récit quelques lignes qui, par leur simplicité même, rendent cette scène au naturel et attestent les sentimens de vénération dont Bartolini fut entouré à ses derniers momens : « Lorsque j’entrai dans la chambre du mourant, dit M. Milanesi, le prêtre prononçait les redoutables paroles : Proficiscere, anima christiana, ex hoc sœculo. Déjà la mort commençait à triompher de la vie dans ce corps jusque-là si robuste.... Nous reçûmes le dernier soupir du grand artiste, — Delo Dauphinè, l’un de ses élèves les plus affectionnés (ce fut lui qui soigna le maître pendant sa maladie avec un dévouement tendre et infatigable, et qui ensuite lava le cadavre, l’habilla et le plaça sur le lit mortuaire), le sculpteur Tommaso Gasperini, Benericotti Talenti, le peintre Francesco Floridi, » plusieurs autres encore dont les noms sont pieusement enregistrés, « moi enfin, Carlo Milanesi. Eliso Schianta, premier élève de l’atelier et le plus fidèlement attaché à son maître, pleurait, appuyé contre le mur, au pied de l’escalier….. » Bartolini mourut à l’âge de soixante-treize ans. Ses restes furent transportés à l’église de l’Annunziata et inhumés dans la chapelle où le corps de Benvenuto Cellini avait été déposé près de trois siècles aupal’avant

Si l’on examine les œuvres de Bartolini en regard de celles qu’ont produites les sculpteurs modernes les plus renommés, non-seulement en Italie, mais dans les diverses écoles, la comparaison tournera tout

  1. Bartolini avait été nommé membre de la Légion d’honneur en 1840, et, l’année suivante, membre associé de l’Institut.