Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/1243

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

eux des modèles et leur insuffisance personnelle expliquent sans doute la faiblesse de leurs travaux, mais il faut dire aussi que les occasions et les tâches importantes sont assez rares aujourd’hui pour qu’un véritable talent ait peine à faire ses preuves et à grandir. La peinture monumentale et même la peinture d’histoire sont presque hors d’usage en Italie. Plus de palais, peu ou point de chapelles à décorer ; plus de corporations, encore moins de Médicis pour encourager les débutans, se disputer les services des maîtres et préparer à tous les talens une ample besogne. Les familles patriciennes bornent leur ambition à conserver les tableaux anciens qu’elles possèdent. C’est donc le plus souvent pour des amateurs de second ordre ou pour quelques étrangers de passage que les peintres italiens sont réduits à travailler. De là l’obligation où ils se trouvent de traiter des sujets plutôt agréables que graves, et (condition radicalement contraire au génie et aux antécédens de l’école) de ne couvrir que des toiles d’une dimension restreinte. Il y a dans cette situation des empêchemens dont il est juste de tenir compte, et si l’avilissement de la peinture italienne est un fait très regrettable, il ne faut voir pourtant dans ce fait ni le résultat de fautes absolument volontaires ni un déshonneur sans excuse.

Les entraves imposées à la hardiesse du pinceau ne gênent pas au même degré le ciseau des statuaires. Toute haute entreprise n’est pas interdite à ceux-ci, et ne leur restât-il que la sculpture des tombeaux dans les églises et dans les cloîtres, ils seraient richement partagés encore. La mort, cliente sûre, livre chaque jour à l’art des souvenirs à consacrer, des traits à faire revivre, des dogmes religieux à commenter. Qu’il s’agisse d’un monument dédié à quelque illustre mémoire ou d’une sépulture chère seulement à la piété de quelques amis, la destination du travail et le voisinage de l’autel inspireront l’artiste, ou du moins inclineront son âme vers le recueillement et les graves pensées. On sait combien d’œuvres éloquentes, combien de nobles images les sculpteurs italiens ont accumulées dans les églises. Pour ne parler que de la sculpture florentine, les plus beaux morceaux dont se glorifie l’école sont en général des monumens funéraires, et, depuis Nicolas de Pise jusqu’à Verocchio, depuis Michel-Ange jusqu’à Bartolini, tout statuaire de génie ou de talent s’est révélé surtout dans des productions de ce genre. Les tombeaux résument, à vrai dire, les progrès successifs de la sculpture en Toscane : aussi l’histoire de l’art ne saurait-elle négliger un ordre de travaux auxquels l’inhumation en dehors des églises ôte ailleurs en partie leur vraie signification esthétique et religieuse. Les conditions faites à la statuaire étant ainsi préférables à celles qu’a dû accepter la peinture, on ne s’étonnera pas de nous voir trouver