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L’art italien se ruinait sans doute par ses prodigalités et ses folies, mais il se ruinait avec la bonne grâce d’un grand seigneur et ne dissipait, après tout, que son propre patrimoine. Lorsqu’il en vint plus tard à user des ressources d’autrui, lorsqu’il essaya de cacher sa pénurie sous une magnificence d’emprunt et des vêtemens à la mode française, il ne réussit qu’à compromettre pour le moins sa dignité et à porter assez gauchement une livrée. On doit être surpris que cette servitude acceptée dès le commencement du siècle par M. Benvenuti à Florence et M. Camuccini à Rome ait été ouvertement recommandée par les derniers représentans de la vieille manière idéaliste. Pompeo Battoni, — c’est tout dire, — ne légua-t-il pas sa palette et ses pinceaux à David ? En confiant au peintre des Horaces ces pinceaux accoutumés à caresser des allégories galantes, il leur imposait certes une besogne bien imprévue ; il prescrivait du même coup de nouveaux devoirs et une foi nouvelle aux élèves qu’il avait formés, aux peintres qui viendraient après lui. Le malheur est que ceux-ci aient suivi le conseil trop à la lettre, et que depuis cette abdication l’art italien n’ait guère fait d’efforts que pour s’assouplir au joug de l’art français.

La peinture, de l’autre côté des monts, semble aujourd’hui vouée à l’inertie, mais nous ne prétendons pas en conclure que la régénération soit impossible et désespérer d’un pays qui a su trouver souvent pour se relever de sa déchéance d’admirables retours de vigueur et des élans inattendus. Peut-être la réaction, encore timide, qui s’essaie à Florence contre l’esprit de routine déterminera-t-elle bientôt un mouvement plus énergique et de plus sérieux progrès. M. Louis Mussini, le chef des nouveaux puristi, ne nous semble pas, il est vrai, doué de la résolution nécessaire pour avoir pleinement raison des préjugés académiques et détrôner les faux talens qui se prélassent dans leur dogmatisme suranné : puisse-t-il au moins, par l’exemple si opportun qu’il donne, encourager l’étude des vieux chefs-d’œuvre et préparer la venue d’un véritable réformateur ! Ce rôle souverain auquel jusqu’à présent aucun peintre italien ne paraît en mesure de suffire, un sculpteur d’un rare mérite, un descendant des anciens maîtres l’avait pris et le soutenait naguère avec une incomparable autorité. Bartolini n’honore pas seulement, en la représentant mieux que personne, la sculpture moderne dans son pays ; il résume aussi l’art italien tout entier, les plus nobles aspirations de son époque, et par l’influence qu’il exerça, aussi bien que par l’éclat de son talent, il relève et vivifie une école qui, sans lui, n’aurait qu’une fort douteuse importance. Nous voudrions appeler l’attention sur les travaux de cet éminent artiste et montrer sa double supériorité dans la pratique et dans l’enseignement, en nous aidant,