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apprendre sur la formation des glaces, leurs mouvemens, et l’on a tracé les grandes routes de leur migration annuelle.

Il est cependant encore un problème dont les régions polaires disputent la solution aux efforts des navigateurs : c’est l’existence d’une grande mer polaire intérieure libre de glaces. Il y a longtemps qu’on l’a soupçonnée, et les Russes donnent à cette méditerranée arctique encore inconnue le nom de Polynie. Les peuples du Nord ont conservé la tradition d’une expédition faite autrefois par des pêcheurs hollandais, qui, dit-on, purent s’avancer sur la mer mystérieuse jusqu’à un degré du pôle; mais de nos jours on peut invoquer des témoignages plus positifs. Wrangell et Anjou, dans leur expédition sur les glaces de la Sibérie, trouvèrent partout devant eux un océan sans limites au-delà de la grande barrière qui emprisonnait les rivages. Tous les navigateurs qui ont exploré les passages de Wellington, de la Reine, de Smith et de Jones, ont admis que ces vastes canaux sont des détroits qui conduisent à la haute mer. On sait que Parry rapporta la même opinion de sa célèbre et aventureuse expédition au nord du Spitzberg. Une mer très profonde et traversée; par des courans très puissans ne peut sans doute jamais être prise, quelle que soit la rigueur du froid. Nous avons déjà fait remarquer que l’excessive accumulation des glaces dans le labyrinthe polaire s’explique par la configuration des terres, par ce large développement de côtes qu’entrecoupent des passages tortueux et de grands estuaires semés d’îlots. On conçoit aussi aisément qu’une immense plaine de glace puisse s’étendre tout le long du continent asiatiques, car il vient en quelque sorte mourir insensiblement sous la mer, dont le fond ne s’abaisse que très lentement à mesure qu’on s’éloigne du rivage; mais tout semble faire croire au contraire qu’il y a au pôle une mer profonde, où de grands courans entretiennent une constante circulation.

L’Océan polaire reçoit le tribut de trois continens : dans le nord de l’Europe ou de l’Asie, 1,200,000 lieues carrées y déchargent leurs eaux par ces fleuves immenses qui tous descendent du sud vers le nord. En Amérique, le Mackenzie seul, avec les lacs qu’il traverse, sert de réservoir aux eaux de 200,000 lieues carrées. Cette immense invasion d’eau douce ne peut se faire que pendant la saison où les embouchures sont débarrassées de glace. Le bassin polaire, ainsi surchargé pendant une partie de l’année, n’a que trois sorties : le détroit de Behring, les passages du labyrinthe arctique qui communiquent avec la baie de Baffin et d’Hudson, et le plus important de tous, entre le Groenland et la Norvège, qui se trouve encore divisé par l’Islande et le Spitzberg, et qui sert en même temps d’entrée au grand courant du gulfstream. Pendant l’été, le courant principal y a la direction du nord au sud, et pendant l’hiver du sud