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Behring. Dès 1848, le capitaine Kellett et le commandant Moore, sur le Herald et le Plover, partirent dans cette direction. Le capitaine Kellett trouva au-delà du détroit de Behring une terre très escarpée et très étendue, où les tempêtes l’empêchèrent constamment d’aborder. Cette découverte importante doit être rapprochée du récit déjà ancien d’un navigateur russe, Serjeant Ândreyev, qui fit une expédition le long des côtes de la Sibérie en 1762. Andreyev affirme qu’il atteignit une contrée dont la côte était presque parallèle à celle du continent et habitée par une race encore inconnue.

Les capitaines Collinson et Mac Clure furent envoyés au détroit de Behring en 1851. Collinson revint après trois ans de dangers et d’infatigables explorations. C’est à Mac Clure qu’était réservé l’honneur de se frayer un chemin au-delà du détroit de Behring jusqu’aux parages parcourus auparavant par les navires venus de la baie de Baffin, et de découvrir ainsi le fameux passage du Nord, cherché inutilement depuis des siècles. Il franchit heureusement la barrière dangereuse de l’archipel aleutien, passa le détroit de Behring, et suivit un passage demeuré libre tout le long de la côte américaine : il arriva ainsi jusqu’à l’embouchure du Mackenzie, aux caps Bathurst et Parry, et devant une grande île encore inconnue, qui porte aujourd’hui le nom d’île Baring, et dont le pays de Banks, autrefois aperçu par Parry, forme seulement la côte septentrionale. Mac Clure entra dans un long détroit qui suit la côte orientale de cette île et la sépare de la terre du Prince-Albert ; il y pénétra très profondément, et n’était plus guère loin des eaux des îles Parry, quand les glaces vinrent l’arrêter. Il hiverna en ce point : au printemps, il revint sur ses pas et tourna le long des côtes de l’île Baring jusqu’à sa partie septentrionale. Là encore il fut emprisonné par les glaces ; mais de ce point il put communiquer avec un officier de l’escadre de Belcher. On envoya ses dépêches par traîneau jusqu’à l’île Beechy, d’où elles furent emportées par le capitaine Inglefield. Mac Clure passa trois hivers dans ces régions, et fit de nombreuses expéditions dans l’île Melville et dans tous ses alentours.

Inglefield, qui rapporta les dépêches de Mac Clure, venait lui-même de faire une exploration très heureuse dans les deux grands canaux qui s’ouvrent au fond de la baie de Baffin, et qu’on nomme passage de Jones et de Smith. Il pénétra dans ce dernier jusqu’au 77e degré de latitude ; mais une furieuse tempête le ramena au sud. Les plateaux élevés qui bordent ce large passage, et qui s’ouvrent çà et là pour laisser descendre des glaciers, étaient recouverts de belles mousses ; des herbes marines flottaient en abondance sur les eaux, où l’on observait un courant très marqué. Inglefield rapporta de cette course la conviction que le canal de Smith établissait une