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commandait dans son célèbre voyage de découverte, l’Hécla et le Griper. Dès le printemps, il traversa de nouveau le grand plateau raviné qui forme le centre de l’île Melville et en suivit les côtes septentrionales dans la direction de l’ouest. Il aperçut de ses derniers promontoires, vers le nord, une île qu’il nomma Émeraude, et vers l’occident une grande terre inconnue qu’il appela l’Ile du Prince-Patrick. Il redescendit ensuite la côte occidentale de Melville, et donna à l’un des caps — d’où l’on découvrait le mieux les lignes de l’île encore inconnue — le nom de M. de Bray, jeune officier français qui l’accompagnait dans son expédition. Mac Clintock découvrit bientôt une autre île située au milieu du détroit qui sépare les îles de Melville et du Prince-Patrick. Il franchit en traîneau ce. passage, et alla examiner la pointe avancée de cette île nouvelle (nommée Eglinton) et toute la partie septentrionale de la grande île du Prince-Patrick. Il suivit sur une grande longueur des côtes unies, si basses que sous le manteau des neiges il devenait souvent difficile de tracer la ligne qui les sépare de leur ceinture de glace. L’île du Prince-Patrick est sans doute la dernière du grand archipel Parry, et si Mac Clintock avait pu dépasser la dangereuse barrière des glaces, il lui eût peut-être été donné de voir en face cette mer polaire inconnue, qu’aucun vaisseau n’a jamais sillonnée, et où nul bruit humain ne s’est jamais mêlé au gémissement monotone des vagues et des vents.

Les pluies et la fonte des neiges rendirent le retour extrêmement pénible : il fallait franchir des torrens grossis, avancer lentement, souvent avec de l’eau jusqu’à mi-corps, à travers d’immenses marécages entrecoupés par de profonds ravins; Mac Clintock revint heureusement auprès des vaisseaux dont il avait été séparé pendant cent cinq jours. Les résultats de cette expédition furent complétés par le lieutenant Mecham, qui découvrit de son côté, quelques jours après Mac Clintock, les îles du Prince-Patrick et Eglinton, mais qui en visita seulement les côtes méridionales.

Cette campagne, si heureusement conduite et si féconde en renseignemens précieux sur la géographie de la vaste zone arctique com- prise entre le 89e et le 125e degré de longitude[1], se termina malheureusement par des désastres. Belcher fut contraint d’abandonner deux de ses navires dans les glaces du canal de Wellington; deux autres restèrent à l’entrée occidentale du canal de Barrow. Il fallut laisser à la mer arctique cette proie, au risque de ne jamais revenir et d’être anéantis, corps et biens, sous le formidable assaut des glaces dont il n’était plus possible de se dégager.

J’arrive aux expéditions qui furent envoyées par le détroit de

  1. Voyez sur la géographie de cette zone les Mittheilungen aus Justhus Perthes Geographischer Anstalt du docteur Petermann.