Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/119

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hectares. Dans ces derniers temps, on a encore épuisé les eaux du polder Nootdorp, qui était un marais, et où il y a maintenant un petit village. La Hollande, à laquelle la nature semble avoir dénié tous les élémens, pour nous servir des expressions de Dante, a su se donner par le travail ce que la nature lui avait refusé. Cette histoire de terres appelées du fond des eaux et répondant à l’homme : « Nous voici, » semblerait une histoire merveilleuse, si les moyens à l’aide desquels s’opéra ce miracle de l’industrie n’étaient connus. Ces moyens sont d’ailleurs très simples : jusqu’ici tous les desséchemens ont été accomplis par le travail des moulins à vent, et ce n’est qu’à une époque récente qu’on a mis en œuvre des agens plus puissans, dont il nous reste à parler.

Malgré tant de victoires remportées sur l’ennemi intérieur, un hôte dangereux et remuant inquiétait la province de Hollande, nous voulons parler du lac de Harlem. Ce lac, les Hollandais l’avaient vu naître. L’histoire de sa formation doit être étudiée sur les anciennes cartes : on suit alors pas à pas les développemens de cette masse d’eau, qui avait fini par intimider la ville de Leyde et la ville d’Amsterdam. Il existait en 1531, dans les environs de Harlem, quatre petits lacs insignifiant, et à côté de ces lacs florissaient trois villages, dont les noms ont été conservés : Nieukerk, Dorp Ryk et Wijk Huysen [Cinq-Maisons). En 1591, un des trois villages avait déjà disparu ; en 1647, c’en était fait des deux autres. Les lacs étaient d’abord séparés ; en 1531, il existait entre le lac de Harlem et celui de Leyde une ouverture encore si étroite qu’on pouvait la passer sur une planche ; en 1647, les quatre lacs s’étaient réunis, et leurs noms particuliers s’étaient confondus dans celui de Haarlemmer meer. Il n’y avait plus qu’un point de terre, le Beinsdorp, qui surnageait ; en 1687, le Beinsdorp avait diminué, et le lac s’accroissait toujours[1]. Dans ces derniers temps, il avait atteint onze lieues de circonférence. C’était une mer, et une mer orageuse. Sur cette mer s’étaient livrées des batailles navales, des flottes de soixante-dix bâtimens plats avaient manœuvré, plusieurs vaisseaux avaient péri[2]. Nous avons vu à Harlem, dans le cabinet d’histoire naturelle du docteur van Breda, deux individus du genre silurus glanis, qui avaient

  1. Voici des chiffres exacts sur la proportion de ces agrandissemens successifs :
    Le lac avait morgen ou arpens de Hollande
    En 1531 6,585
    En 1591 12,375
    En 1647 17,000
    En 1687 18,000
    En 1806 20,000
  2. Il existe à la bibliothèque de La Haye un livre hollandais avec des gravures représentant ces vaisseaux et leurs manœuvres de combat.