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rigueur excessive du climat sur ces côtes étranges et inhospitalières le fit bientôt renoncer à l’espoir d’y fonder un établissement.

Renonçant à l’espoir de régner sur le nouvel empire qu’une munificence royale lui avait à l’avance abandonné, Sébastien Cabot tenta plus tard de chercher dans les latitudes élevées le passage pour arriver aux Indes, et, il faut le dire à sa gloire, il ne se laissa point effrayer par les dangers si nouveaux alors des mers arctiques. Il se fraya intrépidement un chemin là où encore aujourd’hui les marins ne s’engagent qu’avec précaution, et pénétra jusqu’au milieu de la baie d’Hudson. La mutinerie seule de ses matelots put l’arrêter et le forcer au retour, lorsqu’il croyait avoir touché le but, au moment où, sur cette mer sans horizon, il pensait n’avoir qu’à ouvrir ses voiles pour être conduit vers l’Océan-Indien. La postérité a été injuste pour ce hardi navigateur : l’histoire de sa vie, si émouvante et si remplie, est mal connue et pleine de lacunes ; aucune relation de ses voyages n’est venue à nous. On ignore jusqu’au lieu où repose sa tombe, et l’œil qui se promène sur une carte de ces régions qu’il ouvrit au monde n’y rencontre même pas son nom.

Au lieu de chercher le passage aux Indes par l’ouest, Willougby et Chancellor tentèrent d’y arriver par l’est, en doublant les promontoires les plus élevés de la Laponie. Ce fut Sébastien Cabot lui-même qui dicta les instructions de cette nouvelle expédition. Chancellor arriva jusqu’au port d’Arkhangel et découvrit la Russie septentrionale ; mais il ne poussa pas plus loin et revint chercher ses compagnons. Il trouva leur vaisseau dans une baie profonde de la Laponie orientale : tous les hommes étaient morts de froid et de faim. Le malheureux Willougby, couché dans sa cabine, tenait encore dans sa main le journal du bord, qu’il avait écrit jour par jour jusqu’à ce que ses forces l’eussent abandonné.

C’est surtout à partir du règne d’Élisabeth que la recherche du passage du Nord devint pour l’Angleterre une entreprise véritablement nationale. L’orgueilleuse rivale de l’Espagne donna à sa marine un développement extraordinaire, encouragea le commerce, favorisa toutes les expéditions lointaines : l’étude de la géographie devint une science populaire, et sir Humphrey Gilbert, qui plus tard se perdit si malheureusement sur les côtes de Terre-Neuve, écrivit lui-même un livre pour démontrer l’existence du passage du Nord. Le comte de Warwick donna deux petits navires à Martin Frobisher, qui dès longtemps nourrissait le désir d’aller explorer les mers où Cabot seul était entré avant lui. Frobisher estimait que la découverte du passage « était la seule chose qui n’eût pas encore été accomplie, et qui pût satisfaire une âme élevée et la rendre glorieuse. » Il pénétra vers le 66e degré de latitude dans un large canal, et crut pendant