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les frissons du vent impriment à toute cette architecture des ondulations légères, comme si un tremblement souterrain venait ébranler à la fois la cité terrestre et la cité aérienne. Un moment après, tout disparaît comme par enchantement : encore un instant, et tout reparaîtra sous des formes nouvelles; ce ne seront plus que d’immenses rochers en tables ou en assises grossières, des dolmens druidiques, des murailles massives et radieuses où s’ouvrent des grottes sombres, qui semblent conduire à un monde inconnu. Ces scènes magiques rompent la triste monotonie des voyages arctiques : là où la terre n’a plus rien qui puisse charmer les yeux, le ciel peut encore créer des spectacles nouveaux et saisissans.

Mais il est temps de parler des glaces et de tous les phénomènes qui sont liés à la formation et aux mouvemens de ces masses flottantes. On sait quelle influence le relief et la configuration des terres ont sur la météorologie d’une contrée; aussi importe-t-il de donner d’abord un aperçu rapide de la géographie des régions polaires. Si l’on soit sur un globe terrestre le prolongement septentrional des continens de l’Europe, de l’Asie et de l’Amérique, on verra que les portions de ces continens qui dépassent le cercle polaire dessinent une sorte d’anneau grossier, dont les bords intérieurs sont très irréguliers. Le cercle polaire entre dans la Suède au-dessous des îles Loffoden, au pied des vastes glaciers de Fondalen, sépare la Laponie de la Finlande, pénètre dans la Mer-Blanche, et traverse ensuite toute la Russie et l’Asie septentrionales en coupant presque à angle droit les grands fleuves qui descendent vers l’Océan-Glacial, la Petchora, l’Obi, le Raz, l’Ienissei, l’Anabara, l’Olenek, la Lena, l’Iano, l’Indigiska, la Rovina. En dépassant le détroit de Behring, il divise l’Amérique russe, franchit la rivière Mackenzie, le lac Grand-Ours, le pays des Esquimaux, le canal de Fox, l’île Cumberland, le détroit de Davis; il tronque ensuite la partie méridionale du Groenland, qui avance sa pointe dans l’Océan-Atlantique, et vient raser le Cap-Nord, qui forme l’extrémité la plus avancée de l’Islande.

Les portions du continent européen et asiatique comprises dans la zone glaciale sont à peu près connues, ainsi que le Spitzberg, la Nouvelle-Zemble et les îles de la Nouvelle-Sibérie. A l’exception de la ligne profondément découpée des fiords de la Norvège, qui forme comme une barrière à demi détruite et minée par l’Océan, les côtes de cette zone sont presque partout basses et unies. Le grand continent asiatique semble descendre par degrés sous la mer et lui verse les eaux de ses grands fleuves, qui descendent ses pentes régulières en lignes presque parallèles. Si ces immenses artères s’ouvraient librement sur des mers navigables, des villes riches et populeuses viendraient se grouper sur leurs rives; mais leurs eaux infécondes