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de M. Lequesne est un ouvrage très digne d’estime, dont on a exagéré le mérite, mais qui prouve cependant que l’auteur a profité de son séjour en Italie. Il y a dans cette figure une grande vérité de mouvement. L’approbation ne devait pas toutefois aller jusqu’à la flatterie, et quand on a comparé ce faune aux bronzes du musée de Naples, on a singulièrement altéré la réalité. M. Lequesne est à coup sûr un homme de talent qui fait honneur à Pradier, son maître. Il ne faut pourtant pas lui donner des louanges qu’il ne mérite pas. Sa figure, quoique très habilement modelée, manque d’élégance, et le visage n’a pas l’expression voulue. A proprement parler, c’est plutôt une étude qu’une œuvre inventée. Cependant l’imitation poussée à ce point révèle des efforts courageux dont le public doit tenir compte à l’auteur. Le Faucheur et les Gracques de M. Guillaume sont deux œuvres bien conçues, où l’invention joue un plus grand rôle. L’auteur est, comme M. Lequesne, un des meilleurs élèves de Pradier. Je regrette pourtant que dans son projet de tombeau pour les Gracques il n’ait pas marqué plus nettement par la différence du travail la différence des vêtemens et de la chair. Sans tomber dans la sculpture pittoresque, il pouvait modeler le nu et l’étoffe d’une manière diverse, ce qu’il a négligé. Pour ne pas manquer à la justice, je dois ajouter que les Gracques, fondus au sable, ont été rifflés outre mesure. Sous prétexte d’effacer les bavures, on a donné au travail du sculpteur un accent uniforme qui ne pouvait se rencontrer ni dans la terre, ni dans le plâtre. La Vérité de M. Cavelier, élève de David, ne mériterait que des éloges, si l’auteur se fût contenté de nous la présenter comme une étude; mais le nom qu’il a donné à cette figure lui imposait des obligations qu’il a méconnues. Il s’est borné à copier une femme jeune, sans élégance, et n’a pas même essayé d’idéaliser le visage. Le regard et la bouche de la Vérité n’ont qu’une expression vulgaire. Il y a pourtant dans cette figure autant de talent que dans la Pénélope, dont on a fait grand bruit et dont le motif se trouve dans une statue d’impératrice placée au musée du Capitole; mais le public s’était laissé séduire par la souplesse de la draperie, et la Vérité n’a pour elle que la fidélité de l’imitation.

Un autre élève de David, M. Loison, nous a donné une Nymphe en marbre qui s’appellerait plus justement Jeune fille à la fontaine, car elle n’a rien qui l’élève au-dessus de la condition humaine. L’auteur a cherché à réfuter dans cette figure les reproches très légitimes qui lui avaient été adressés à propos de la statue d’Héro. Il a voulu prouver qu’il savait au besoin montrer la jeunesse sous une forme puissante; à cet égard, il a pleinement réussi. Je dois lui dire pourtant que si le corps de sa Nymphe est traité avec un soin très digne d’éloge, le visage est vulgaire et ne s’accorde pas avec la