n’offraient pas le même inconvénient. L’auteur a-t-il craint que ces deux peintures, conçues pour servir de plafond, perdissent une partie de leur valeur lorsqu’elles seraient vues comme des tableaux de galerie ? Je ne sais. En tout cas, une telle crainte ne me paraît pas légitime.
M. Delacroix a maintenant donné la mesure complète de ses facultés. Arrivé à la maturité après une lutte glorieusement soutenue ; il n’est pas à présumer qu’il se révèle sous un aspect nouveau. Il est aujourd’hui ce qu’il sera pour les, générations futures. Son imagination féconde, la couleur splendide et harmonieuse dont il sait revêtir sa pensée, assurent la durée de son nom ; mais il est permis à ses admirateurs les plus sincères de regretter qu’il n’ait pas su allier l’harmonie et la pureté des lignes à la splendeur, à l’harmonie des tons.
La série de tableaux et de dessins exposés par M. Decamps, quoique nombreuse, n’est cependant pas complète. Tous ceux qui ont suivi ses travaux depuis vingt-cinq ans y remarqueront des lacunes fâcheuses. Il me suffira de signaler l’absence de ces grandes compositions au fusain tirées de l’histoire de la Gaule, et qui avaient excité, il y a quelques années, une admiration si vive et si légitime. Le Supplice des crochets, qui attirait tous les regards par l’énergie de l’expression, la variété des physionomies et la richesse des costumes, aurait été revu avec intérêt. Cependant les ouvrages que nous avons devant nous permettent de marquer avec précision le rang qui appartient à l’auteur. Parmi les hommes de notre temps, je n’en sais pas un qui puisse lui être comparé pour la manière de comprendre la nature. Son regard pénétrant saisit avec une merveilleuse sagacité dans un paysage, dans une figure ce qui convient à la peinture, et répudie sans hésiter ce que la peinture répudie. Ce n’est certainement pas dans l’atelier de son maître, M. Abel de Pujol, qu’il a puisé le germe de son talent. Original dans le choix des sujets, il ne l’est pas moins dans l’art de rendre sa pensée. Il donne à toutes les parties de sa composition un relief singulier et les éclaire avec une adresse qui rappelle les prodiges de Rembrandt. S’il fallait en effet établir sa filiation, c’est à Rembrandt que nous devrions remonter. Comme le chef de l’école hollandaise, le peintre français se préoccupe avant tout des caprices de la lumière ; mais il n’essaie pas de lutter avec son illustre aïeul et d’emprisonner un rayon pour éclairer les ténèbres. Il aime le soleil avec passion et se plaît à inonder sa toile de lumière. S’il réveille en mainte occasion le souvenir du maître hollandais, on ne peut donc pas dire qu’il le copie. Il est même avéré qu’il n’a jamais essayé de suivre sa trace. Le problème qu’il s’est posé n’est pas celui que Rembrandt a résolu. Il prodigue