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qui se trouvent comme encaissées, et de suivre, le long des bords élevés par la main de l’homme, le cours de ces eaux mécontentes, mais enchaînées.

L’éducation des rivières, qu’on nous permette cette image, n’aurait encore rien été sans un système d’endiguement et de protection contre la mer. L’Océan, cette grande force de destruction, se limite lui-même par ses dunes ; mais l’industrie humaine a dû soutenir et fortifier la ceinture de sables derrière laquelle s’abritent les Pays-Bas. La première fois qu’on voit moutonner de loin ce troupeau de collines nues ou recouvertes d’une sèche végétation, on est frappé du caractère sérieux qu’elles donnent aux côtes de la Hollande. Les habitans distinguent trois rangs de dunes : les dunes extérieures, c’est-à-dire celles qui touchent la mer, les dunes du milieu, qui sont les plus hautes et les plus larges, et les dunes intérieures, qu’on croit être les plus anciennes. Cette triple défense naturelle, dont les géologues attribuent la formation à l’action combinée des vagues et des vents, pourrait servir à déterminer la date de la naissance des côtes, si la proportion suivant laquelle les sables s’avancent dans l’intérieur des terres n’était variable, et ne rendait, par conséquent, ce chronomètre fort douteux. Comme le pays est généralement plat, ces dunes forment des chaînes de montagnes relatives. Ces ouvrages avancés, qui servent de boulevart contre les eaux et d’abri contre les tempêtes, exigent un constant entretien. Les Hollandais garnissent leurs dunes avec une espèce de jonc ou de roseau qui est connu sous le nom de arundo arenosa, roseau des sables. On le plante au printemps ou en automne, et on l’abrite des vents dangereux avec de la paille. Quand cette herbe a pris racine, elle relie et consolide la masse mouvante des sables : c’est le ciment végétal des côtes de la Hollande. Les dunes ont, outre les vents, un ennemi très sérieux, le lapin. Cet infatigable mineur attaque sourdement le sol desséché qui s’élève comme un bourrelet entre la mer et l’intérieur du pays. Il faut donc une continuelle surveillance pour réparer les dégâts commis par ce faible animal. Sur tous les points du littoral où les dunes, ces digues naturelles, n’existaient pas, on les a créées ; quelquefois même il a été nécessaire de soutenir par des ouvrages de bois, de pierre ou de cailloutage les côtes ruinées. La vue de ces travaux donne une grande idée de la puissance de l’homme. Il est difficile d’imaginer ce que les Hollandais ont mis de persévérance, de courage et de sagacité dans ce système combiné de défense naturelle et artificielle qui forme aujourd’hui le bouclier de la Hollande contre la mer.

Pour comprendre l’étendue et la nature des dangers auxquels échappent tous les jours les Pays-Bas, il faut se représenter ce que