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trop près et de sang-froid les feux ardens, suivant le pitoyable jeu de mots d’Horace :

Ardentem frigidus Ætnam.


Je crois me souvenir que dans un entretien avec M. Boussingault, où je fauchais en plein dans sa riche moisson d’observations volcaniques, ce savant académicien me dit qu’il n’avait vu que peu ou point de lave dans la Cordillère équatoriale. Le fait est que les volcans très élevés ne peuvent faire déborder la lave par le haut de leur cratère. L’Etna, qui de tous les volcans connus est celui qui pousse ses laves à une plus grande élévation, ne les déverse jamais du sommet toujours neigeux de sa région déserte. Ordinairement les flancs de la montagne crèvent sous l’effort du lourd fluide soulevé, et le fleuve embrasé se fait jour vers les plaines fertiles de la Sicile, qu’il stérilise pour bien des siècles à venir. Les écrits d’Empédocle ne nous sont point parvenus, et la science y a sans doute beaucoup perdu, car ce philosophe paraît, contre l’usage des philosophes grecs, avoir été un observateur autant qu’un raisonneur et un homme d’imagination. C’est de lui que Lucrèce a dit qu’il avait tiré du sanctuaire de son âme des oracles plus sacrés et plus certains que ceux que rend la Pythie, qui parle le laurier en tête et assise sur le trépied d’Apollon.

Sanctiùs, et certà multò ratione magis quàm
Pythia, quæ tripode ex Phœbi lauroque profatur.

Je reprends ici une des raisons qu’on a d’exclure la vapeur d’entre les causes qu’on peut assigner aux convulsions du sol : c’est qu’à une certaine profondeur il n’y a plus d’eau possible, à cause de la trop grande chaleur. Ainsi non-seulement la force de la vapeur d’eau serait impuissante, mais de plus il n’y a point de vapeur dans les entrailles de la terre, car il n’y a point d’eau. Ceci répond encore à une lettre qui m’a été adressée, et dont l’auteur attribue la diminution graduelle, bien constatée de siècle en siècle, de tous les fleuves d’Europe à l’infiltration des eaux douces dans le sein de la terre. Or la chaleur centrale s’oppose à cette pénétration, et à quatre kilomètres de profondeur tout est sec et déjà brûlant dans l’intérieur de notre planète.

Une autre prétendue cause des tremblemens de terre dont il est bon de faire justice, c’est l’action de la lune. On sait que par l’attraction de notre satellite, renforcée de celle du soleil, l’Océan, tourmenté sous cette force invisible, soulève ses flots au milieu du calme le plus profond, et envahit momentanément ses vastes grèves. Le 25 de ce mois de septembre par exemple aura lieu une des plus belles marées du siècle. Les observateurs placés sur les quais de Quillebœuf, à l’embouchure de la Seine, verront arriver l’Océan sur une largeur de dix à douze kilomètres, pour se briser sur les jetées et sur les plages environnantes. Un instant après, ce fleuve remontera vers sa source avec une vitesse torrentielle, et l’on pourra contempler le mouvement des masses les plus imposantes que la nature puisse déplacer. Les recherches statistiques de M. Alexis Perrey, aussi bien que celles de trois auteurs allemands que cite M. de Humboldt, semblent établir que c’est à l’époque des grandes marées qu’ont principalement lieu les tremblemens de terre.