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Pour bien établir l’ordre des trois substances qui composent l’ensemble du globe, nous mentionnerons d’abord l’enveloppe solide formant le sol universel de la terre, tant celui que nos continens nous montrent à ciel ouvert que celui qui est recouvert par les eaux des divers océans auxquels il sert de fond et dont il dessine les bassins. D’après la profondeur à laquelle toutes les matières connues de l’intérieur du globe seraient fondues et fluides, l’épaisseur de cette couche solide peut dépasser soixante kilomètres. C’est à peu près la hauteur de l’atmosphère aérienne limitée au point où elle cesse d’être perceptible à nos sens, c’est un peu moins que la centième partie de la distance de la surface au centre de la terre. Il n’y a donc qu’une petite partie de notre globe qui soit refroidie et solidifiée. L’ensemble est encore une vaste sphère de feu recouverte d’une pellicule comparable à la fine pellicule qui enveloppe une prune ou un grain de raisin, quoique comparativement la pellicule du globe soit bien moins épaisse que celle des fruits ordinaires et notamment que l’écorce de l’orange, dont la forme aplatie est ordinairement prise pour type de celle de la terre.

Au-dessous de cette enveloppe ou écorce terrestre solide se trouve une couche de matière liquide en fusion généralement désignée sous le nom de lave, et que presque tous les géologues considèrent comme constituant à elle seule le globe entier au-dessous des continens qui flottent sur cette mer de feu. Telle n’est pas notre opinion. Nous admettons, avec Laplace, le noyau central comme doué d’une puissante élasticité gazeuse en même temps qu’il est plus compacte et plus lourd que les continens et la lave qui porte ces derniers, et qui est portée elle-même sur le gaz compacte intérieur. Suivant nous, c’est ce gaz, la plus lourde des trois espèces de matériaux du globe, qui constitue, au-dessous d’une couche liquide de lave peu épaisse, le véritable noyau incandescent du globe que l’on sait être cinq fois et demie plus pesant que l’eau, au poids de laquelle on rapporte tout. La lave flotte donc sur ce gaz plus lourd, comme les continens flottent sur la lave plus lourde qu’eux. Ainsi, en pénétrant vers le centre de la terre, à partir des espaces célestes, on trouve d’abord le gaz léger ou l’air formant autour du globe une mer sans limites ni rivages, et portée sur les océans et les continens plus compactes que l’atmosphère; de même les océans reposent par leur fond sur l’enveloppe terrestre, qui est deux ou trois fois plus pesante que les eaux des mers; — ensuite la croûte ou enveloppe terrestre repose et flotte sur la lave encore plus lourde qu’elle: — enfin celle-ci repose et flotte elle-même sur le gaz intérieur, le plus lourd de tous les matériaux de notre globe. Ajoutons que la lave n’est point d’un degré de poids spécifique qui permette d’en constituer la totalité du globe terrestre. Bien des indices même semblent établir que la couche de lave est peu épaisse, et que dans les éruptions violentes elle manque promptement et fait place au gaz qu’elle recouvrait d’abord, lequel pousse avec furie ses colonnes à ressort irrésistible au travers de l’atmosphère, jusqu’à ce que leur refroidissement rapide les précipite en pluies de sables, mal à propos appelées pluies de cendres. C’est une pluie pareille, sortie du Vésuve, qui suffoqua Pline le naturaliste, qu’une vive curiosité scientifique poussait vers ce phénomène grandiose. Le célèbre philosophe grec Empédocle paraît avoir été une des victimes de l’Etna, dont il contemplait de