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jusqu’au Chili, en passant par le Mexique et le Pérou. Partout une longue ligne de rupture a produit une longue ligne de bouches volcaniques. On conçoit facilement qu’au moment où le sol se brise, le fluide intérieur, n’ayant plus à supporter les soixante kilomètres de terre qui pesaient sur lui, s’élève et s’élance dans l’ouverture faite, et cela exactement comme l’eau s’élève et s’élance entre les glaçons d’un lac dont on brise la croûte solide; mais, après avoir un peu dépassé le niveau et vomi un peu de matière liquide, qui est de la lave, le fluide central, plus lourd et plus compacte que les continens qui flottent sur lui, rentre dans l’ouverture et s’y tient au-dessous du niveau de la glace en vertu de son excès de pesanteur. L’assimilation est complète, et si de plus on admet que par un froid prolongé l’eau qui est entre les glaçons vienne à se solidifier et à ressouder pour ainsi dire la surface, on comprendra que la lave, après s’être élevée à la hauteur convenable à son poids spécifique, se solidifie ensuite, ferme la communication entre l’intérieur et l’extérieur de notre globe, et ressoude l’enveloppe fracturée de la terre. Plusieurs volcans, parmi lesquels on peut citer, je pense, le Mowna-Roa des îles Sandwich, semblent être une communication fluide avec le feu central, et la hauteur des plaines de lave du cratère intérieur serait bien curieuse à déterminer. Du haut de ses bords, qui forment un vaste cirque de cinq mille mètres d’élévation, on peut contempler un beau spécimen du feu central aboutissant à la surface du globe, et qui plus tard se changera en une plaine de lave solidifiée fermant la communication avec le noyau central et complétant l’enveloppe totale de la terre.

Il va sans dire que les tremblemens de terre sont un accompagnement presque obligé de toute éruption volcanique. Il serait difficile d’admettre que le sol, en se brisant, le fit avec un tel calme et avec si peu de secousses, qu’il n’en résultât aucun déplacement de niveau; mais l’apparition d’un volcan n’est pas réciproquement la suite forcée d’un tremblement de terre, car on conçoit que le sol et les couches du terrain peuvent retomber à un état d’équilibre plus stable sans pour cela livrer passage au fluide igné sur lequel ils flottent.

On doit à M. de Humboldt d’avoir bien établi que le noyau central du globe réagit de l’intérieur à l’extérieur pour pousser le fluide incandescent au travers des ouvertures que tout changement de forme doit déterminer. Ce fait important s’explique facilement par la pression des continens sur le noyau central, laquelle pression force le liquide intérieur à s’insinuer dans tout espace vide avec lequel il peut communiquer soit latéralement, soit de bas en haut. Cependant cette pression ne suffit point pour rendre compte de certaines éruptions des plus violentes, et dans lesquelles ce n’est pas la lave qui paraît, mais une colonne de dix-huit à vingt kilomètres qui se fait jour au travers de l’atmosphère avec une force irrésistible, et dont la matière, évidemment de nature élastique et gazeuse, retombe en pluie fine de sable volcanique. C’est, pour ainsi dire, de la lave gazeuse qui s’échappe du sein entr’ouvert de la terre, et nous apporte un témoignage irrécusable de l’existence de la couche élastique que Laplace admet pour le noyau terrestre au-dessous de la couche liquide de lave qui s’épanche des cratères avec des paroxysmes bien moins intenses que ceux qui accompagnent la sortie du gaz plus central.