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qu’il s’agit de surmonter. Ici, les digues sont de simples murailles de terre ; ailleurs, on couvre le sol inégal ou mou d’une couche de fascines, quelquefois même il est nécessaire de soutenir ces remparts avec de la brique. Malgré ces grands ouvrages, bien faits pour donner une idée considérable du peuple qui les a élevés, l’état des rivières de la Hollande laisse encore à désirer. Une commission, nommée par Guillaume Ier, publia en 1827 un volumineux rapport sur les meilleurs moyens de provoquer l’écoulement des eaux. La plupart de ces projets pour l’amélioration des rivières ne figurent encore que sur la carte : les difficultés d’exécution, jointes à l’embarras des finances, les ont fait remettre à un temps indéterminé. D’un autre côté, une opinion toute contraire s’est produite depuis ces dernières années. De ce que le système d’endiguement n’est pas toujours efficace contre le débordement des eaux, quelques écrivains ont conclu qu’on avait eu tort d’endiguer les rivières. Ce paradoxe a été soutenu par Bilderdijk, un des plus grands poètes et un des meilleurs esprits de la Hollande. Le principal grief sur lequel on s’appuie pour accuser l’intervention de l’art dans les ouvrages de la nature est tiré de l’état actuel des rivières. Le lit des rivières en Hollande s’élève insensiblement et toujours ; les digues doivent s’élever dans la même proportion, et en s’élevant elles faiblissent. Fort des dangers que suspend sur le pays cette situation des eaux, on s’est demandé s’il n’aurait pas mieux valu abandonner les rivières à tous leurs caprices. Ces rivières, dit-on, auraient tracé elles-mêmes leur vie à travers les terrains d’alluvion, et la Hollande se trouverait aujourd’hui moins menacée d’être emportée. Ces visions poétiques rentrent dans le système de Jean-Jacques Rousseau, — l’optimisme de l’état de nature. Sans les travaux d’endiguement, les fleuves ne se seraient point tenus dans leur lit, l’agriculture n’aurait point obtenu ! e rang qu’elle a conquis en Hollande, les élémens de l’état social ne se seraient jamais dégagés de la confusion et de la barbarie. L’art doit soutenir la nature. « Si, par suite de la résistance opposée aux forces aveugles et aux élémens destructeurs, la nature proteste, si même elle se venge par des menaces de la contrainte qu’on lui impose, c’est à l’industrie humaine de découvrir dans ses ressources toujours croissantes de nouvelles armes pour combattre le danger. Malgré l’élévation des digues, qui montent, il est vrai, sur certains points a des hauteurs considérables, les ruptures et les inondations sont aujourd’hui moins fréquentes en Hollande que dans les derniers siècles. Ces fleuves qui coulent au-dessus des terres voisines se laissent mieux contenir qu’autrefois dans leurs rivages artificiels. Il est curieux, quand on voyage en barque ou en bateau à vapeur, de jeter, du haut des rivières, un regard sur les campagnes,