Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/1124

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’élément qu’ils ont abandonné contre les lois de la nature. C’est une science très récente que celle qui a recueilli tous les documens que pouvait fournir sur la constitution intérieure de la terre la contemplation des montagnes, ou des couches du sol soulevées par les catastrophes successives qui ont changé l’aspect et tes populations du globe ainsi que sa météorologie. Les mines profondes où l’énergie de l’homme activée par l’intérêt était allée chercher le charbon, le fer, le sel, tous les produits métalliques et plastiques, ont fourni de précieuses données sur la chaleur croissante de la masse terrestre à mesure qu’on s’enfonce de plus en plus, et sur la stratification des couches successives. En même temps il a été permis à la science de l’organisation de faire revivre de leurs débris et de leurs restes ensevelis dans les terrains des diverses époques les quadrupèdes, les oiseaux, les poissons, les coquillages, les arbres et les plantes d’une nature éteinte aujourd’hui, ou subsistant encore dans des espèces analogues. Mais au-dessous de ces couches, accessibles dans une profondeur comparativement fort petite, qu’y a-t-il? De quels matériaux ce globe est-il formé? Avons-nous quelques communications avec cet intérieur inconnu de notre planète? Les terrains et les roches qui constituent notre sol à ciel découvert et le fond de nos mers descendent-ils jusqu’au centre du globe pour former une masse solide et compacte, ou bien y a-t-il au-dessous de l’écorce solide une masse fluide et fondue de chaleur qui porte les continens et le fond des océans, comme un lac ou une mer glacée porte la couche de glace ou les glaçons séparés et brisés qui flottent au-dessus? Bien plus, ne serait-il pas possible que le noyau central de la terre consistât en une matière incandescente élastique, quoique très condensée, réagissant de bas en haut contre les terrains solides qu’elle porte, et toujours prête à s’échapper dès que certaines causes mécaniques amèneraient dans l’enveloppe supérieure des fentes, des ouvertures, des dislocations qui lui livreraient passage?

Telles sont les questions que, depuis un demi-siècle à peine, une science encore au berceau, la géologie, est parvenue à poser nettement. Avant de procéder à des recherches fructueuses, l’esprit humain a besoin de savoir ce qu’il doit rechercher. C’est un adage confirmé par l’expérience, qu’une question bien posée est plus qu’à moitié résolue. C’est un grand progrès pour la science de pouvoir formuler ce qu’on ne sait pas. Pour fixer les idées, je commencerai par établir que tous les corps de la nature se montrent à nous sous l’un des trois états suivans : solide, liquide, ou fluide élastique. Le premier état est bien connu, — les roches, les terrains, le bois, la pierre, le fer, enfin tous les corps durs vivans ou inorganiques nous en offrent des exemples. L’état liquide n’est pas moins connu : les océans qui recouvrent la plus grande partie de la terre d’une eau salée, — les fleuves, les lacs, les sources, les ruisseaux, — enfin divers produits moins répandus dans la nature, comme le mercure, l’huile, le sang et les fluides animaux, le vin, l’alcool, l’éther, toutes ces substances sont des types ou des exemples de l’état fluide. Quant au troisième état, l’état de fluidité élastique, nous en avons des types dans l’air que nous respirons, dans le gaz d’éclairage, dans le gaz hydrogène, dont on se sert pour remplir les aérostats, et enfin dans le gaz plus lourd qui, au fond de la célèbre grotte du Chien, près de Naples, et en mille autres endroits du globe, asphyxie les animaux qui s’y trouvent plongés. La vapeur