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en même temps que le général Kalergi recevait la défense de paraître au palais ; mais le général n’a point donné la démission qui lui était demandée, et s’il n’est point reçu au palais, il est resté ministre jusqu’ici. On voit que c’est une affaire fort compliquée, et elle l’est d’autant plus que l’irritation du roi et de la reine contre le général Kalergi naît probablement du ressentiment de ce qui est arrivé l’an dernier. Une première question à se faire serait de savoir comment la lettre du ministre de la guerre a été publiée. Bien qu’on ne puisse rien affirmer à ce sujet, on est porté à croire cependant que ce sont les partisans de la Russie qui ont cherché à rendre impossible la présence du général Kalergi au ministère. Maintenant quel sera le dénouement de cet imbroglio ? Si le cabinet actuel quitte le pouvoir, il serait remplacé, dit-on, par M. Christidès ; mais d’un autre côté il y a eu d’assez vives mésintelligences entre M. Christidès et le ministre d’Angleterre, de telle sorte qu’on ne sortirait d’une difficulté que pour tomber dans une autre complication. Le malheur dans tout cela, c’est que le roi n’ait pas complètement accepté la position qui lui a été faite par les événemens, et qu’il ne se soit pas résolu sincèrement à rester désormais dans une stricte neutralité. S’il eût agi ainsi, toutes les difficultés se fussent aplanies, et la Grèce serait rentrée dans une voie régulière, où elle aurait pu s’occuper utilement de ses intérêts et de ses progrès intérieurs.

Ce n’est point en Grèce seulement que la guerre soulevée par la Russie a le triste privilège de créer une situation difficile à des gouvernemens qui ne savent pas faire le choix d’une juste et sage politique. Nous parlions récemment des Deux-Siciles et des singulières dispositions qui paraissent dominer le cabinet napolitain. Il est fort à craindre que les relations du roi de Naples avec les deux puissances occidentales ne finissent par prendre un caractère assez sérieux. Soit imprudence, soit préméditation, les autorités napolitaines ne cessent d’aller au-devant des complications. Récemment encore, le préfet de police interdisait à une personne d’un haut rang de recevoir un secrétaire de la légation britannique. Vers le même temps, à Messine, le gouverneur se refusait de faire répondre par une salve de convenance à une salve tirée par un bâtiment français. Le résultat de toutes ces petites difficultés, c’est que les cabinets de Londres et de Paris paraissent devoir poser nettement la question au gouvernement napolitain et le mettre en demeure de se prononcer. Il n’y a point, nous en sommes convaincus, de la part des puissances occidentales la moindre intention de conquérir un trône pour un prétendant quelconque. L’Angleterre et la France veulent tout simplement savoir si le roi de Naples est leur allié, bien que restant neutre, ou s’il est l’allié de la Russie contre l’Europe.

Franchissons maintenant l’Océan-Atlantique. Comme l’Europe, l’Amérique s’agite et a sa part de luttes, de conflits et de problèmes ; elle a même aussi ses grandes questions d’équilibre sur lesquelles l’attention du monde se portera quelque jour, et qui naissent de la juxtaposition de races inégales en force, en puissance et en richesse. Autant l’une de ces races marche audacieusement dans la voie de toutes les conquêtes, autant l’autre est tristement occupée à se déchirer et à s’amoindrir : c’est là l’histoire des États-Unis et des contrées de l’Amérique du Sud. Les États-Unis offrent cela de curieux, que