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branche du rameau Scandinave. Ils venaient à la suite des glaces et des blocs erratiques, car les déluges d’hommes suivent le chemin tracé par la nature aux grandes débâcles des élémens. Ces barbares manquaient de patrie ; ils jurèrent de s’en donner une. C’était un monde à faire, il fallait commencer, comme dans les cosmogonies antiques, par séparer la terre d’avec les eaux. Ce fiat lux de la puissance humaine, cette seconde création dans laquelle l’industrie se montre constamment la rivale de Dieu, ce triomphe de l’intelligence sur la matière, sur le chaos, tout cela ne fut pas l’œuvre d’un jour. L’homme ne crée point d’une parole ; il crée, comme la nature, avec le concours du temps et le développement successif de ses forces. Quelques terres stériles, vagues, effondrées, que se disputaient alternativement les crues des rivières et les hautes marées, voilà le berceau des Pays-Bas. Le génie néerlandais a grandi dans une lutte contre les élémens. Cette contrée, qu’habite une population nombreuse et florissante, est un véritable pays artificiel. Sans les Hollandais, la Hollande n’existerait pas. Cette patrie est leur ouvrage, leur création, et comme le Dieu de la Bible, ils ont le droit de trouver que ce qu’ils ont fait est bien fait, et vidit quod esset bonum. Sans l’art, jamais une telle région n’eût vu le jour ; sans l’incessante vigilance de ses habitans, elle se perdrait bientôt. Sa naissance est un miracle du génie humain, sa conservation est un prodige. Nous allons étudier les conditions au milieu desquelles cette annexe du continent s’est affermie ; nous rechercherons les procédés techniques à l’aide desquels l’industrie des habitans a repoussé les eaux, fondé des villes sur des sables mouvans que réclamait et que réclame encore la mer, enchaîné le cours des fleuves, introduit l’agriculture dans des terres basses et inondées, converti en un mot la Hollande primitive, — moins un sol qu’un mélange confus de terre et d’eau, — en une des plus délicieuses patries qui existent.

On peut partager l’histoire hydraulique des Pays-Bas en trois périodes : — les travaux d’endiguement entrepris contre la mer et les fleuves, — la création des polders, — l’application des machines à l’assèchement des lacs intérieurs.

Les premiers habitans se campèrent sur des tertres et des monticules qu’ils avaient eux-mêmes élevés. Cette position était sans cesse inquiétée par l’état primitif des fleuves, sortes de torrens vagabonds, inconstans dans leur lit, qui ravageaient à chaque instant les timides essais de culture. Il a fallu que l’art donnât des bords aux rivières et que les eaux apprissent à couler régulièrement vers la mer. La première date de î’endiguement du pays ne saurait être fixée. On croit que les Cimbres avaient établi des digues qui ont été détruites, puis relevées plus tard sur les mêmes bases. Ces rivages artificiels ont protégé la civilisation naissante ; sans eux, la Hollande serait