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ISRAËL POTTER


LEGENDE DEMOCRATIQUE AMERICAINE.




Le peuple a besoin de grands hommes et de héros : il ne saurait s’en passer non plus que de merveilleux et même de superstitions. Il faut que les amis des lumières en prennent leur parti. Les phénomènes du moyen âge se reproduisent parmi nous ; seulement ils prennent une nouvelle forme, qui nous abuse et nous fait croire à des nouveautés là où il n’y a souvent que des faits vieux comme le monde. On avait cru l’amour du surnaturel perdu pour toujours, et voilà que la démocratique Amérique invente les esprits frappeurs et les tables tournantes ! voilà qu’elle rédige des journaux de magie noire, et donne à ses paysans yankees assemblés dans leurs granges le spectacle des mystères du mesmérisme et des extases somnambuliques ! De même que les peuples ont soif d’un merveilleux toujours présent, agissant dans le monde actuel, et d’un merveilleux révélateur des temps à venir, ils ont besoin d’un merveilleux historique et légendaire. L’imagination populaire aime à transformer la réalité historique, à grandir ce qui était déjà grand par soi-même, à faire des héros d’hommes qui souvent n’ont rien eu d’extraordinaire, et à transfigurer les héros en demi-dieux. On avait cru jusqu’à présent qu’une certaine perspective historique était nécessaire pour que ce fait pût s’accomplir, on avait cru que le passé ne devait pas être trop près du présent. Les États-Unis, qui ont déjà donné tant de démentis aux opinions reçues, se sont encore chargés