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LES SENSATIONS


DE JOSQUIN





Dans l’année 184., qui fut si célèbre par son hiver rigoureux, je résolus de devenir très savant : ce sont des idées qui me prennent de temps en temps; je me renferme, j’accumule lectures sur lectures, et je ne sors que la tête bourrée des matières les plus différentes, qui finissent par se tasser, Dieu sait comment. J’allai donc d’un pas joyeux au Jardin des Plantes, avec le fol espoir de connaître à fond les sciences naturelles. Un nouveau cours venait de s’ouvrir, qui avait rapport plus particulièrement à la race des singes. Ce que je jugeais utile dans le cours, c’était de débrouiller un peu mes idées, de me forcer à écouter, chose plus facile que de lire. Les livres d’histoire naturelle, pleins de nomenclature, sont trop souvent d’une aridité qui me les fait jeter de côté dès les premières pages; j’emportai cette illusion que dans un cours public, au milieu de nombreux auditeurs, je secouerais ma paresse, et que l’hiver ne se passerait pas sans enrichir mon moi léger de connaissances positives.

Quoique l’hiver s’annonçât comme très rude, l’assemblée était en bon nombre : cependant beaucoup plus de vieillards que de jeunes gens. Le cours se tenait dans la galerie des Primates, ce qui veut dire les premiers des animaux. Des armoires vitrées renfermaient la plus belle collection de grimaces qui se puisse imaginer, car les premiers des animaux ne s’en font pas faute, et ils ne le cèdent guère