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diverses rédactions ont beaucoup fait avancer la connaissance de la dernière écriture.

Les papyrus hiératiques nous ont conservé la véritable littérature égyptienne depuis la dix-huitième dynastie, époque à laquelle remontent les plus anciens manuscrits d’une date connue qui soient parvenus jusqu’à nous. L’intelligence en sera d’autant plus accessible aux égyptologues, que la confrontation des manuscrits en signes hiéroglyphiques et hiératiques nous montre qu’ils sont écrits tout à fait dans le même dialecte. Ils renferment des traités astrologiques et magiques, des registres de comptabilité, un calendrier sacré. On a découvert parmi ces papyrus un traité de médecine ou du moins un recueil d’apophthegmes, enfin des compositions qui paraissent être des œuvres de pure imagination. M. de Rongé a communiqué à l’Institut la traduction d’un papyrus hiératique qui a vivement excité la curiosité des savans, et qui reflète une simplicité toute biblique : c’est une légende qui offre quelque analogie avec l’histoire de Joseph. Les manuscrits hiératiques, qui formaient surtout la richesse des collections Sallier et Anastasy, avaient attiré d’abord moins l’attention des érudits que les textes hiéroglyphiques; ils l’emportent sur eux cependant en intérêt, puisqu’ils nous font pénétrer davantage dans la vie égyptienne.

Un manuscrit de la première de ces collections, connu sous le nom de grand papyrus Sallier, avait déjà fortement exercé la pénétration de Champollion, et était devenu de sa part l’objet d’un travail que prétendit, après sa mort, lui dérober Salvolini. Il renferme le récit poétique des campagnes de Rhamsès le Grand contre les Cheta. M. de Rougé a le premier traduit au complet les fragmens que nous possédons de ce papyrus et triomphé des difficultés qui avaient arrêté ses prédécesseurs. Nous devons à la bienveillance et à l’amitié de cet éminent égyptologue la communication de ce travail préparé pour l’Institut, et nous pouvons assurer qu’il est peu de documens historiques dans l’antiquité offrant un pareil intérêt. Il s’agit de la guerre de Rhamsès en Mésopotamie, des exploits du pharaon qu’on retrouve consignés sur les bas-reliefs de Thèbes et d’Ibsamboul. Le prince faillit périr dans cette guerre lointaine. Entouré de deux mille cinq cents chars et séparé de son armée, il se vit surpris par les Cheta, dont ses espions lui avaient mal indiqué la position. Sorti victorieux d’un pareil péril, il entonna, en honneur de son dieu Ammon et de sa victoire, une sorte de cantique dont le style rappelle quelque peu le grandiose des psaumes.

Ainsi le champ des études égyptiennes a subi à peine un défrichement superficiel, et les richesses se pressent déjà sous les pas du travailleur. Voilà deux mines qui sont en pleine exploitation. Une troisième vient d’être mise au jour: ce sont les textes démotiques.

Au temps des Psammétichus, au VIe siècle ou à la fin du VIIe avant Jésus-Christ, une écriture cursive, destinée aux besoins de tous les jours et réservée à l’idiome populaire, commença à se répandre en Égypte. Les contrats, les pièces judiciaires sont écrits avec ces caractères, que nous observons sur plusieurs papyrus et qui figurent dans des décrets, comme sur la pierre de Rosette et sur celle du musée de Turin. Le démotique, qui avait de prime abord paru dans l’inscription bilingue de Rosette de nature à être déchiffré.