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cénobitique à cette époque. Les recherches qu’a entreprises M. Mariette sur le culte d’Apis complètent les renseignemens que nous avaient antérieurement donnés sur ce point curieux de la religion égyptienne les lectures de M. de Rougé. Apis était nommé la seconde vie de Phtah. C’était par conséquent l’incarnation de ce dieu créateur, adoré à Memphis comme divinité suprême. Les inscriptions lues au Sérapéum n’ont fait que confirmer les communications faites sur ce point, il y a un an, par M. de Rougé à l’Institut.

Une autre découverte de M. Mariette se rattache encore au culte d’Osiris, dont le bœuf Apis était la forme vivante : c’est celle d’un colosse de ce dieu qui a été trouvé appuyé contre le flanc droit du grand sphinx. L’infatigable voyageur a, comme on sait, après avoir découvert le Sérapéum, opéré des fouilles à l’entour de ce monument gigantesque, enseveli jusqu’à la tête dans le sable de Giseh. Il a mis au jour, au sud-est du sphinx, le seul temple antérieur aux pasteurs que l’on ait encore rencontré. Ce temple, qui date de la quatrième dynastie, consistait en une énorme enceinte carrée renfermant une foule de chambres et de galeries, construites en blocs énormes d’albâtre et de granité. Sans doute cet édifice religieux fut consacré par les premiers pharaons à Osiris et à Horus, son fils, car le voisinage de la statue colossale du premier dieu, formée de vingt-huit morceaux qui nous rappellent en combien de parties son corps avait été divisé, annonce le culte de la grande divinité de l’Egypte, et le sphinx lui-même n’était qu’un simulacre naturel du second dieu. Déblayé en entier par M. Mariette, ce colosse s’est trouvé nôtre qu’un véritable rocher auquel la nature avait donné la forme grossière d’un sphinx. Les Égyptiens s’étaient contentés de lui sculpter la tête avec leur perfection habituelle, et de boucher les cavités qui nuisaient à l’illusion. Cette découverte de la véritable nature du sphinx a expliqué plus d’un passage des anciens, où l’on célébrait cette merveille, et rectifié plusieurs notions inexactes qu’ils nous avaient laissées.

Deux autres monumens viennent confirmer les curieuses données mythologiques qui résultent des découvertes de M. Mariette. L’un est l’inscription du Naophore du Vatican; l’autre est l’hymne au soleil consigné dans une stèle funéraire du musée de Berlin, provenant de la collection Passalacqua. C’est encore à M. de Rougé qu’on doit la traduction de ce dernier morceau. La stèle représente un basilogrammate (scribe royal), Taphérumès, invoquant l’astre du jour, que les Égyptiens personnifiaient, comme le faisaient aussi les Aryas, en plusieurs divinités, suivant les attributs qu’on lui prêtait. Ainsi à son lever le soleil était adoré sous le nom de Ra, à son coucher sous celui de Tmou, comme créateur sous celui de Cheper. Voici la teneur de cette curieuse prière :

« Adoration au dieu Ra, Tmou, Cheper, Horus des deux zones. Hommage à toi, le Sahou[1], enfant divin qui prend naissance de lui-même chaque jour! — Hommage à toi qui luis dans les eaux du ciel pour donner la vie!

  1. On appelait ainsi la partie mortelle de l’homme qui accomplit les transformations souterraines et qui était censée voyager dans le ciel nocturne à la suite d’Osiris, dont l’âme résidait, sous le nom de Sahou, dans l’étoile appelée par les Grecs Orion.