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pyramides prouvent que le culte d’Apis remontait aux premières dynasties ; mais, avant Rhamsès II, ce culte ne semble pas avoir eu une importance capitale. Les bœufs sacrés étaient simplement enterrés dans des caveaux isolés, creusés indistinctement dans la montagne et sans communication entre eux. L’an 30 du règne de ce pharaon, son fils préféré, Chaem-Djom, fit commencer une longue galerie destinée à servir de sépulture aux Apis, et cette nécropole resta en usage jusqu’à l’an 20 du règne de Psammétichus Ier. Tout annonce alors que le culte du bœuf divin brilla d’un éclat plus grand encore que celui dont il avait commencé à être entouré sous la dix-neuvième dynastie. On creusa un vaste souterrain, exécuté sur les proportions les plus grandioses. Le temple ou mausolée qui surmontait les caveaux, et que M. Mariette a exhumé à son tour de son linceul de sable, fut agrandi. L’an 52 du même Psammétichus, on inaugura cette troisième nécropole, qui demeura celle des Apis jusque sous les empereurs romains. Elle se distingue des deux précédentes par la magnificence et la grandeur des sarcophages, dont Amasis donna le premier l’exemple, et que Cambyse a imitées.

La date de cet agrandissement du Sérapéum et de l’importance nouvelle que prend le culte d’Apis est à remarquer. Les Grecs pénétrèrent alors en Égypte par leurs factoreries de Naucratis, et Psammétichus, désireux d’obtenir leur alliance, chercha à flatter leurs idées. Sérapis semble avoir été donné par lui, par les prêtres qui l’entouraient, pour la même divinité que Dionysos ou Bacchus, représenté souvent avec des cornes de bœuf. Le dieu du vin, qui avait fini par devenir le dieu de la végétation, puis de la production, dont le point de départ est sous le sol, et qui s’était transformé par suite en un véritable Pluton, se prêtait merveilleusement à l’identification réclamée par la politique. Osiris et le Dionysos infernal, celui des mystères athéniens, offraient une conformité d’attributs dont les Grecs furent frappés. Ils accoururent en foule adorer leur divinité sur le sol antique de l’Égypte, et beaucoup ne doutèrent plus qu’ils ne dussent à ce pays le bienfait de son culte. C’est là un premier trait de cette adresse sacerdotale qui fit tomber dans ses pièges tant de voyageurs grecs. Toutefois on ne voulut pas laisser pénétrer ces étrangers dans le temple égyptien, on ne voulut pas du moins qu’ils y inscrivissent leurs proscynèmes (adorations), et un propylée spécial, une sorte de narthex, fut réservé aux proscynèmes des Hellènes, tandis que le véritable Sérapéum ne devait recevoir que des adorations écrites dans la langue et accomplies sans doute selon le rite des Égyptiens. C’est ce qu’ont mis en évidence les fouilles de M. Mariette, et ce qu’il a lui-même établi dans un mémoire qu’il a présenté à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Le même voyageur a retrouvé le Sérapéum grec ou Pastophorion, comme l’appellent les papyrus, joint au Sérapéum égyptien par une longue galerie de sphinx servant d’avenue au véritable temple des Apis, que précèdent une construction du roi Amyrtée et une sorte de péristyle décoré de statues de philosophes et de poètes grecs. L’étude des papyrus grecs nous a valu sur le Sérapéum au temps des Ptolémées des renseignemens d’un vif intérêt qui ont fourni à un savant explorateur de l’Égypte hellénique, M. W. Brunet de Presle, le sujet d’un mémoire où se trouve éclaircie la constitution de la vie.