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concordance indiquant la correspondance des quantièmes de l’année vraie et de l’année vague, en sorte qu’en calculant à quel jour l’étoile Sirius a dû se lever héliaquement dans le cours de l’année marquée sur les inscriptions, on pourra savoir en quelles années ces trois levers ont été observés.

Ce calcul a été fait, et il est devenu l’objet d’un mémoire remarquable présenté à l’Académie des sciences par un illustre astronome, M. Biot. Les trois dates auxquelles il est arrivé sont : 1o pour le lever héliaque du fragment de calendrier d’ÉIéphantine, l’année julienne 1444 avant Jésus-Christ ; 2o pour celui qui se lit au temple de Medinet-Habou et qui se rapporte au règne de Rhamsès III, au commencement de la vingtième dynastie, l’année 1300 ; enfin 3o pour le troisième tiré du tableau des influences, cité plus haut, et qui fut rédigé sous Rhamsès VIe troisième fils de Rhamsès III, l’année 1240. Deux de ces chiffres s’accordent à peu près avec ceux auxquels on est conduit en remontant, par la durée des règnes, de la date connue de la vingt-deuxième dynastie jusqu’à ces rois de la dix-neuvième. Quant à la date que le premier fragment de calendrier fournit à M. Biot, elle serait certainement beaucoup trop faible, si l’on attribuait avec M. Lepsius ce fragment au règne de Toutmès III. Cependant si, — comme le remarque un voyageur dont nous aurons à reparler plus loin, M. H. Brugsch, — tout annonce au contraire, dans le style de ce document, l’époque de la dix-neuvième dynastie, la date obtenue par M. Biot est d’accord avec celle que fait supposer l’addition des règnes.

Lorsque ce savant astronome entreprit ses recherches sur la chronologie égyptienne, on pouvait encore espérer que la détermination d’un cycle ou d’une période astronomique fixe fournirait le moyen d’asseoir définitivement les dates absolues du règne des principaux rois de l’Égypte ; mais cette espérance s’est désormais évanouie. Le nouveau travail de M. Biot achève de démontrer un fait qu’il avait déjà énoncé depuis trente années : c’est que la période sothiaque, c’est-à-dire une période de quatorze cent soixante années de trois cent soixante-cinq jours un quart, dont le commencement aurait été réglé sur le lever héliaque de l’étoile Sirius ou Sothis, était absolument inconnue aux anciens Égyptiens, et que c’était une conception factice des mathématiciens des premiers siècles de notre ère. En effet, Hipparque, Eratosthène et Ptolémée lui-même ne l’ont point connue. On n’en trouve également aucune mention sur les monumens, et il faut en dire autant des cycles dont M. Lepsius, M. Poole et quelques autres érudits veulent que les Égyptiens aient eu connaissance.

Les découvertes et les travaux de M. Mariette au Sérapéum de Memphis ont fait subir le même sort à une autre période qui avait aussi fait grand bruit, celle d’Apis, et dont on n’espérait pas moins pour la chronologie. C’était, disait-on, un cycle lunaire de vingt-cinq années civiles ou de trois cent neuf révolutions lunaires dont le commencement était marqué par l’apparition d’un nouvel Apis, auquel vingt-cinq années (pas plus) étaient attribuées. L’animal s’apprêtait-il à vivre au-delà de ce terme, le prêtre donnait raison à l’astronomie en l’immolant secrètement. Les tombeaux de ces bœufs sacrés nous fournissent aujourd’hui la preuve que c’est là une pure légende dont les Grecs ont été dupes ou inventeurs. Chaque tombeau porte