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l’énonciation de quelques faits, tout est incertitude, tout est problème, quand il s’agit de recomposer la succession des rois et la durée de leurs règnes jusqu’à la vingt-sixième dynastie, à partir de laquelle la lumière commence à se faire, grâce au secours que prêtent à Manéthon les témoignages d’Hérodote et de Diodore.

C’est en interrogeant les monumens, en rapprochant ces cartouches où sont consignés les noms des anciens pharaons, les dates des événemens accomplis sous leur règne, qu’il devient possible de restaurer leur généalogie, actuellement mutilée. Grâce à l’importante découverte par laquelle Champollion est arrivé à déterminer les principales expressions qui servaient à la notation du temps chez les Égyptiens, et que Salvolini lui avait si indignement dérobée, cette question historique a fait un pas immense. Il ne s’agit aujourd’hui que de relever toutes les dates, lesquelles, comme on sait, se rapportent au règne de chaque souverain, et d’additionner les chiffres ainsi obtenus, pour avoir un premier aperçu de la durée totale de l’empire des pharaons ; mais pour cela il faut avoir préalablement recueilli tous les cartouches de rois et identifié, autant que cela est possible, les noms fournis par les hiéroglyphes avec ceux que nous donne Manéthon. En effet, des inscriptions isolées peuvent bien, comparées entre elles, conduire à un chiffre extrême, mais elles ne donnent pas la subordination chronologique des noms entre eux. Excepté quelques cas particuliers où le monarque fait connaître sur la pierre le cartouche de son prédécesseur, les noms se montrent isolément. Toutefois on a heureusement découvert des monumens qui, paraissant contenir un élément chronologique, arrivent fort à propos pour contrôler le témoignage toujours obscur de Manéthon.

Le premier est une suite de noms royaux que les antiquaires appellent, à cause du lieu de sa découverte, la Table d’Abydos. Ce monument est destiné à consacrer la mémoire des offrandes que le grand Rhamsès fit aux rois ses prédécesseurs, dont les cartouches répétés accompagnent l’inscription commémorative. Malheureusement cette table ne nous est point parvenue dans son intégrité, et c’est précisément le commencement qui nous manque. — Le second monument est la Chambre des rois ou la Salle des ancêtres du roi Toutmès III, rapportée en France par M. Prisse. — Enfin le troisième document est le papyrus connu sous le nom de papyrus royal de Turin. C’est un fragment d’une liste de dynasties écrite en hiératique, et qui paraît avoir donné toute la succession des rois égyptiens, y compris les dieux et les héros que Manéthon place en tête des monarques de son pays. Ce qui ajoute un prix particulier à ce document, c’est qu’on y trouve des calculs, des résumés et des articles où sont notées non-seulement les années du règne de chaque souverain, mais encore la durée de sa vie en années, mois et jours.

Voilà sans contredit trois documens bien précieux, et qui semblent de prime abord suffisans pour corriger et éclaircir les données des auteurs grecs et fournir la chaîne qui doit rattacher les cartouches épars des pharaons ; mais, quelle qu’en soit l’extrême importance, ces monumens out encore leurs difficultés d’interprétation propres, et ce qu’il y a de pis, ils sont tous incomplets. Il est par exemple impossible, comme l’a montré un savant et sagace philologue irlandais, M. Hincks, d’accorder la table d’Abydos avec la