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éthiopien, qui appartient incontestablement à la famille sémitique, présente cependant une fixité et une plénitude de sons vocaux tout à fait étrangères aux autres langues sémitiques. Aussi dans son alphabet chaque lettre est-elle toujours accompagnée de son signe de voyelle. On ne saurait cependant classer l’égyptien dans la famille des langues sémitiques ; il s’en éloigne à la fois par le système grammatical, par la forme des radicaux, et il se rapproche du groupe de langues africaines auquel appartient le berbère ou kabyle. Ce n’est guère que le pronom qui rappelle, dans l’égyptien et le copte, la forme hébraïque. Il est curieux de noter la même analogie pour le pronom galla. La langue galla, parlée par un peuple noir de l’intérieur de l’Afrique, qui s’est avancé dans ces derniers siècles jusqu’en Abyssinie, est cependant très différente pour ses mots des idiomes sémitiques. Une pareille ressemblance tient sans doute à un contact, peut-être même à un mélange des tribus gallas avec la race abyssine. Le caractère intermédiaire de l’égyptien, qui appartient aussi à l’éthiopien et à l’amharique, l’idiome moderne de l’Abyssinie, correspond parfaitement aux races qui parlent ces langues, et dont le type est intermédiaire entre le type africain et le type sémite. Lorsqu’une langue est encore dans un état de grande simplicité grammaticale, elle est apte plus qu’aucune autre à subir l’influence d’une grammaire étrangère ; elle peut, je crois, tout en conservant ses mots, accueillir un système de déclinaison ou de conjugaison qu’elle repousserait, si son organisme était plus développé. Ne possédant guère encore que des radicaux, elle peut les disposer et les subordonner selon des principes fixes et arrêtés qui lui étaient inconnus et qu’elle puise dans un autre idiome. Je me figure que les ressemblances de l’égyptien et de l’hébreu tiennent à un fait de cette nature, les Phéniciens et les Arabes étant entrés de très bonne heure en relation avec les habitans des bords du Nil. Lorsque l’on contemple le type abyssin, qui n’est que le type égyptien un peu plus coloré, on ne peut se défendre de la pensée que cette race est née du mélange des nègres de l’Afrique et des familles sémitiques. L’affinité des langues a pu n’être que la conséquence du mélange des races, et si les Égyptiens sont sortis de l’alliance du sang africain et du sang arabe, on ne s’étonnera pas que leur idiome participe à la fois de ceux que l’on parle sur l’une et l’autre rive de la Mer-Rouge.

Nous venons de voir les recherches des égyptologues compléter et rectifier sur des points essentiels la doctrine de Champollion relativement à la langue égyptienne. Sur un autre théâtre, dans le domaine des recherches historiques, les résultats n’ont pas été moins heureux.


II. — CHRONOLOGIE DES DYNASTIES ÉGYPTIENNES.

Les fragmens du livre écrit en grec par Manéthon, et que nous ont conservés Josèphe, Eusèbe et Jules l’Africain, sont presque le seul guide qui nous soit resté pour l’étude de la chronologie égyptienne. Malheureusement les noms et surtout les dates énoncés dans ces fragmens ont subi tant d’altérations et de remaniemens, qu’il devient presque aussi difficile de les restituer que de rétablir la chronologie même. A part l’ordre des dynasties et