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pour saisir le sens, pouvait négliger l’emploi des flexions qui subordonnent les mots entre eux. Ces flexions ne s’introduisirent que graduellement; elles consistèrent d’abord dans certains radicaux employés à titre de qualificatifs, de signes, de nombres, de modes et de temps, et qui finirent par être exclusivement réservés à ce rôle exceptionnel. Rien n’est plus propre à mettre ce fait en évidence que la comparaison du chinois ancien et du chinois moderne. Dans le kouan-hoa, improprement appelé langue mandarinique, on voit employer comme pronoms, comme relatifs, comme auxiliaires ou marques de temps, des mots qui dans le kou-wen, c’est-à-dire la langue ancienne, figurent avec leur sens propre de radical abstrait. L’égyptien a dû suivre la même loi. Toutefois cette suppression des signes grammaticaux parait n’être bien souvent qu’une abréviation graphique, car dans les plus anciens textes égyptiens on découvre déjà la trace des modes, des temps, dont l’emploi dans la langue est devenu plus tard indispensable.

Les signes hiéroglyphiques sont pris le plus habituellement avec une valeur phonétique, c’est-à-dire qu’ils représentent non les objets dont ils rappellent la forme, mais des articulations vocales, en sorte qu’ils jouent le rôle de nos lettres, cela indépendamment de certains signes purement figuratifs peignant l’objet lui-même, ou en offrant le symbole. Toutefois les mots, ainsi écrits alphabétiquement, peuvent n’être pas dépouillés tout à fait de leur rôle figuratif. On découvre fréquemment que le signe destiné à représenter, soit la première lettre, soit la lettre saillante du mot, est choisi parmi les signes qui ont avec ce dernier une relation naturelle ou symbolique. Les autres signes du mot sont, eux, purement phonétiques, sauf le déterminatif placé à la fin. De là l’existence d’une foule d’hiéroglyphes qui ne deviennent phonétiques que pour des mots particuliers et dans des cas exceptionnels. Ces lettres sacramentelles, Champollion leur avait donné place dans son alphabet, et il était arrivé de la sorte à dresser de nombreuses colonnes de lettres qui étaient un objet d’étonnement et de doute pour les philologues. On se demandait pourquoi les Égyptiens avaient si singulièrement multiplié les homophones. L’inexactitude de l’alphabet du grand égyptologue tenait encore à ce qu’il avait commencé par l’étude des monumens des bas temps. Sous les Ptolémées, on fit usage dans l’écriture, surtout pour transcrire les noms grecs et romains, de signes qui n’avaient eu auparavant que l’emploi alphabétique restreint et exceptionnel dont il vient d’être parlé. Chaque hiéroglyphe devint pour ainsi dire le signe de la lettre initiale du mot qu’il exprimait, de telle façon que le symbolisme originaire tendait de plus en plus à disparaître. Le signe hiéroglyphique, employé à représenter une lettre initiale, servit aussi quelquefois de déterminatif pour une classe entière d’objets. On retrouve quelque chose de tout à fait analogue dans les clefs de l’écriture chinoise, véritables déterminatifs qui rappellent ceux de l’écriture hiératique. En effet, dans cette écriture chinoise, les déterminatifs se réduisent à des signes conventionnels et tachygraphiques, tandis que dans l’écriture hiéroglyphique le déterminatif est la figure d’un objet servant à classer le mot qu’il accompagne. On compte dans la langue chinoise 214 clefs, et ce chiffre pourrait être réduit, car plusieurs sont évidemment composées d’un signe et d’un déterminatif plus simple. En égyptien, les déterminatifs