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Aucune application du principe de la séparation des détenus par catégories fondées sur les analogies des situations ne pouvait être plus féconde que celle qui, saisissant les coupables à leur début, à un âge qui tourne avec une facilité presque égale vers le mal ou vers le bien, substitue les enseignemens sévères du travail et de la religion à ceux de la licence, et l’espoir aux malédictions de l’avenir : elle a été féconde en effet. Quoique l’institution ne soit point encore assez ancienne pour avoir porté tous ses fruits, le nombre des condamnés qui s’amendent tend de plus en plus à dépasser le nombre de ceux qui succombent de nouveau, et témoigne ainsi qu’une victoire réelle est déjà remportée.

Les établissemens consacrés aux jeunes détenus doivent être l’objet d’une sollicitude d’autant plus active, que ce sont les seuls qui rendent à la société des coupables véritablement corrigés. Une expérience affligeante prouve jusqu’à présent que, si les enfans sont souvent ramenés au bien, les adultes, une fois descendus à un certain degré de perversité, ne s’abstiennent guère du mal que par crainte du châtiment. Une autre circonstance appelle une attention sérieuse sur les prisons destinées à la jeunesse : c’est le prodigieux accroissement de leur population, qui était dans la première des périodes, celle de 1826 à 1830, de 215 individus, et dans la dernière, 1846 à 1850, de 1,607. Au 31 décembre 1851, le chiffre de ces jeunes prisonniers s’élevait à 5,972, et les prévisions du budget de l’exercice courant sont fondées sur un effectif de 8,500. Si les rapports de ces nombres correspondaient exactement aux progrès de la corruption de la jeunesse, il y aurait à désespérer de l’avenir de notre pays; mais la population n’était ni si vertueuse avant 1830, ni si perverse au commencement de 1855 qu’elle le paraît par ce rapprochement de chiffres. Celui qui se rapporte à la première période ne comprend pas le nombre considérable de jeunes détenus qui restaient alors disséminés dans les maisons d’adultes. On savait, d’un autre côté, quels exemples et quels outrages y attendaient l’enfance, et la sagesse des tribunaux se refusait à la plonger dans une atmosphère pestilentielle. La magistrature ne pouvait d’ailleurs pas appliquer l’article 66 du Code pénal quand l’administration n’avait pas de maisons spéciales pour recevoir les dépôts confiés à ses soins, et bien des acquittemens immérités étaient accordés à la crainte des dangers qu’entraînait après soi la répression. Peut-être sommes-nous aujourd’hui prêts à tomber dans un excès inverse. Thémis soulève de temps en temps son bandeau pour juger de la