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mer sur le sol de la Néerlande. C’est sur ces progrès de la mer que notre attention doit maintenant se porter.

Que la forme primitive de la Hollande ait été altérée dans le cours des siècles, que, par suite des invasions successives de la mer, l’étendue de cette contrée se soit trouvée de plus en plus circonscrite, c’est un fait dont témoignent à la fois des récits douteux et des document positifs. Il existe une ancienne tradition qui veut que, dans les temps reculés, on ait aperçu des côtes de la Hollande les cotes de l’Angleterre. Un des changemens les plus considérables qu’une portion des Pays-Bas aurait subis se rattacherait, selon quelques géologues, au cataclysme qui sépara, dit-on, la Grande-Bretagne du continent. On conçoit en effet que la langue de terre qui s’étendait entre Douvres et Calais ayant été brisée, la mer ait dû maltraiter dans ce mouvement les côtes anciennes de la Batavie.

Nous ne nous arrêterons point à ces récits plus ou moins fabuleux, à ces cataclysmes peut-être imaginaires, ou tout au moins sur la date desquels les savane ne sont pas d’accord : il est un autre ordre de monumens plus certains qui prouvent que la constitution physique du pays a changé depuis des époques relativement récentes. Il suffit de visiter avec attention les côtes du sud de la Hollande pour juger par soi-même de l’étendue des changemens introduits dans la forme du delta. Cette plage désolée qui s’étend depuis Ostende jusqu’à Harlem et depuis Harlem jusqu’au Helder, ces dunes sapées par la vague, ces bancs de sable déchirés, tout cela porte la trace des ravages de l’Océan. Au mois de mars (c’est le mois des tempêtes), nous avons vu, sur plusieurs points, les côtes de la Hollande battues, ébranlées par la fureur des vagues, que poussait un formidable vent d’ouest : c’était à croire que la terre allait s’enfoncer. Il est malheureusement trop certain que les barrières élevées contre les flots ont cédé, l’une après l’autre, surplus d’un rivage depuis les temps historiques. Des chaînes de dunes ont été dévorées, cette perte augmente constamment, et l’on peut déjà prévoir le jour où cette défense naturelle devra être remplacée par une digue. C’est seulement au moyen de remparts artificiels que, plus loin vers le nord, quelques places ont pu être maintenues contre les forces assaillantes de la mer, et encore ces ouvrages de pierre s’affaissent-ils de divers côtés. La forme seule de la Hollande est en contradiction avec celle des autres deltas, et indique par cela même une altération lente, mais continuelle. Trois fleuves comme le Rhin, la Meuse et l’Escaut, qui déchargent concurremment leurs eaux presque sur le même point géographique, ont dû étendre autrefois dans la mer un promontoire ou tout au moins une langue de terre semblable à celle que projette le Mississipi. Or aujourd’hui on cherche en vain ce promontoire : les contours de la