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c’est celui du choix à faire et de l’ordre de priorité à fixer parmi les entreprises qui sollicitent de tous côtés l’attention. La formation devant Boulogne et Ambleteuse d’un refuge d’une lieue carrée, —les conquêtes des grèves des Vays et de la baie du Mont-Saint-Michel, — les complémens de la rade trop étroite de Cherbourg, — la régularisation des embouchures de la Loire et de la Gironde, — l’établissement maritime du fond du golfe de Gascogne, — l’approfondissement des ports de Cette et de La Nouvelle par le jeu des eaux des étangs, — la création sur d’autres bases de la rade de Brescou, manquée par le cardinal de Richelieu, — le rétablissement du port antique de Fréjus, — la défense du golfe Juan contre les tempêtes et contre l’ennemi, — le dessèchement des marais de la Corse, — l’ouverture sous les murs de Bastia d’un abri commandant la mer de Sicile, — tous ces travaux, qui rivalisent d’importance et d’utilité, s’offrent à l’envi pour occuper jusqu’à la fin du siècle autant d’ateliers de condamnés qu’en pourra recruter la perversité.

Au lieu de prendre cette voie facile et profitable, l’administration, peut-être séduite par l’âpreté de la lutte contre des obstacles dont aucun gouvernement n’a su jusqu’à présent triompher, a préféré s’engager dans le système de colonisation pénitentiaire dont l’Angleterre continue avec lassitude une si pénible et si stérile expérience. Nous avons sur elle l’avantage de savoir à notre début à quels mécomptes sont exposées de semblables entreprises : M. Bérenger les a rappelés avec des détails précis, qui ne sont pas le moindre mérite de son livre, et, comme s’il avait craint d’affaiblir l’autorité dos faits en mêlant ses impressions personnelles à l’énergique concision du récit, il a laissé au lecteur le soin d’en tirer les conséquences par rapport à l’avenir de l’établissement que nous avons commencé en 1853 à Cayenne. Nous imiterons d’autant plus volontiers sa réserve, qu’il suffit à l’ordre de considérations que nous exposons ici de remarquer que nous cherchons un système de répression plus efficace que ne l’est la peine des travaux forcés subie dans les arsenaux de la marine, et que l’envoi des condamnés dans les colonies n’en intimide aucun. Lorsque le décret du 27 mars 1852 prescrivit la suppression des bagnes, la translation des ateliers de travaux forcés à la Guyane, et la substitution du séjour obligatoire dans la colonie à la mise en surveillance en France, il ne pouvait s’appliquer aux individus antérieurement jugés qu’autant qu’ils adhéreraient librement à cette modification de la peine qui leur était acquise. Les conditions du régime pénitentiaire colonial furent donc affichées dans les bagnes de Brest, de Rochefort, de Toulon. Dès les premières heures de l’ouverture des registres destinés à recevoir les adhésions des condamnés, trois mille d’entre eux se précipitèrent pour se faire inscrire, et la perspective du régime nouveau trouvait