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sur la peine de mort porte l’empreinte des vertus qui l’ont fait aimer et des défauts qui l’ont perdu : l’homme y domine trop)e prince. Existe-t-il d’ailleurs l’ombre d’un rapport entre le sang innocent versé par les septembriseurs et celui des criminels que la justice et les lois du pays envoient à l’échafaud? L’horreur qu’inspirent les bouchers de l’Abbaye est-elle un motif de désarmer des juges intègres qui nous défendent et nous protègent? Danton du moins était conséquent avec lui-même. Ardent et convaincu, il prenait la révolution pour ce qu’elle était, un duel à mort entre deux régimes dont l’un ou l’autre devait périr; le seul droit qu’il invoquât était celui de la guerre, et il jouait sa tête contre celle de ses ennemis. Son langage était à coup sûr déplacé dans le cabinet de d’Aguesseau; mais ce n’est pas non plus avec l’indignation née à l’aspect des fureurs populaires qu’il faut préparer des lois sur des sujets qui ne les touchent en rien.

Que fût-il arrivé si le gouvernement et les chambres eussent cédé à l’entraînement des souvenirs personnels du roi? Les attentats dont il a lui-même été l’objet ne disent que trop si la mansuétude désarme jamais des assassins. Jamais prince ne fut plus débonnaire envers ses ennemis que le roi Louis-Philippe : sa clémence n’en a jamais touché un seul, et les événemens de son règne resteront comme une preuve fatale que la mollesse de la répression est le plus efficace de tous les encouragemens aux crimes publics et privés.

Étranges contradictions des paroles et des sentimens des hommes ! Un voyageur est attaqué sur une route; il tue l’assaillant, et chacun applaudit. Le complice du bandit tombe sous le glaive de la justice, et celui même qui tout à l’heure applaudissait affecte de se voiler la face et de gémir sur une rigueur qui est la sauvegarde de la société. Pourquoi cette approbation? pourquoi ce blâme? Tâchons, pour écarter les incertitudes, de voir les choses simplement comme elles sont. La société chrétienne ne se venge pas; elle punit pour réprimer et pour prévenir. Tout le principe du droit pénal est dans ce peu de mots, et la première conséquence qui en découle, c’est que les peines doivent se renfermer dans la mesure nécessaire pour empêcher le renouvellement des crimes; rien de plus, mais rien de moins. En-deçà et au-delà de ces limites sont des cruautés gratuites contre les individus ou des faiblesses fatales à la société. Si la peine capitale pouvait, comme l’ont cru le roi Louis-Philippe et ses honorables interlocuteurs, être remplacée avec avantage pour le pays, il faudrait l’abolir à l’instant même; mais si l’on n’épargnait ainsi les assassins que pour multiplier les victimes, comment appeler la mansuétude qui conduirait à ce résultat?

Après les batailles de Staffarde et de Marsaille, le Piémont était